Coupe du monde des clubs : entre rêve américain et jeu d’influence

Si les États-Unis ne représentent qu’environ 4 % de la population mondiale, ils concentrent près de 40 % du marché du sponsoring sportif, d’où l’évidence stratégique d’une telle conquête. Le choix d’organiser cette première Coupe du Monde des Clubs outre-Atlantique s’inscrit également dans une séquence parfaitement orchestrée : Coupe du Monde masculine en 2026, Coupe du Monde féminine en 2027, Jeux Olympiques en 2028. Les étoiles ne sauraient être mieux alignées afin de permettre au «soccer» se prendre son envol aux États-Unis.

En instaurant une compétition dotée d’un tel potentiel médiatique, la FIFA veut, et pourra capter l’attention du public américain, généralement plus attiré par les franchises nationales que sont la NFL, la NBA, la MLB voire la NHL, dans une moindre mesure. Elle espère ainsi se faire une place de choix sur ce marché qui fait rêver, profitant de l’effet vitrine des stars mondiales regroupées dans un tournoi unique.

Duel au sommet avec l’UEFA

Les ambitions de la FIFA sont loin d’être uniquement économiques, elles répondent également à une logique bien plus politique, à savoir concurrencer l’UEFA. L’instance européenne tire aujourd’hui sa puissance de la Ligue des Champions, véritable poids lourd médiatique et financier, diffusée chaque saison dans le monde entier. Résultat : trois années sur quatre, l’UEFA est plus influente que la FIFA elle-même, une anomalie que Zurich entend bien corriger.

En organisant cette Coupe du Monde des Clubs tous les deux ans, la FIFA crée un rendez-vous mondial qui la remet au centre du jeu plus régulièrement. Elle ne veut plus dépendre exclusivement de la Coupe du Monde des sélections nationales, organisée tous les quatre ans, pour exister elle aussi médiatiquement et financièrement.

Recettes annuelles de la FIFA Statista

L’enjeu économique est clair, rien que lors de la saison 2024/2025, l’UEFA a redistribué 2,4 milliards d’euros aux clubs participants à la Champions League. À titre de comparaison, le Mondial 2022 au Qatar n’a reversé «que» 440 milliards de dollars aux fédérations nationales. La Coupe du Monde des Clubs, elle, promet une enveloppe avoisinant le milliard d’euros, avec en parallèle un programme de 250 millions de dollars destiné au développement du football à l’échelle mondiale. Une manière à peine déguisée de susciter un véritable intérêt financier de la part des clubs envers la FIFA.

Le coup de poker de DAZN

Pour assurer le succès de cette première édition, la FIFA ne laisse rien au hasard. Elle pourra notamment compter sur un partenaire de poids : DAZN. La plateforme de streaming diffusera gratuitement l’intégralité de la compétition, une stratégie d’accès libre qui devrait garantir une large audience, en particulier sur le marché latino-américain, mais loin d’être désintéressée, surtout après l’acquisition des droits pour un montant d’un milliard de dollars.

Composition des groupes FIFA

En échange de cette exposition, DAZN obtiendra des données précieuses : des centaines de millions d’utilisateurs connectés, localisés, analysés… Une base de données mondiale qui pourra ensuite être éventuellement convertie, ne serait-ce que partiellement, en abonnés payants. Un modèle gagnant-gagnant entre visibilité sportive et rentabilité commerciale.

Vers une redistribution des cartes ?

Au final, cette Coupe du Monde des Clubs est tout sauf une compétition de plus, mais bel et bien un outil d’influence, dont la finalité est de permettre à la FIFA de remettre la balle au centre vis-à-vis de l’UEFA, à la fois géographiquement en misant sur les États-Unis et institutionnellement, en reprenant partiellement la main sur les clubs.

Certes, les critiques sur la surcharge du calendrier sont légitimes, mais le football moderne ne se joue plus uniquement sur les pelouses. Il se dispute aussi dans les bureaux des grandes instances, sur les marchés et lors des accords de retransmission. Autant dire, qu’à ce jeu-là, la FIFA vient de frapper un grand coup.