L’écart de salaires entre les femmes et les hommes cadres ne se réduit plus
Les inégalités salariales persistent encore et toujours... Pire, l'écart de rémunération au détriment des femmes chez les cadres ne se réduit plus de manière significative depuis cinq ans, selon une étude publiée mardi par l'Association pour l'emploi des cadres (Apec). La différence avec leurs collègues masculins, mesurée à poste et profil identique, s'était réduite de 8,5% à 7,1% entre 2015 et 2019. Mais il a très peu diminué depuis et atteint toujours 6,9% en 2024, selon le dernier baromètre annuel de l'Apec réalisé auprès d'un échantillon représentatif de 14.000 cadres.
Et comme les hommes occupent davantage que les femmes des postes plus élevés dans la hiérarchie des entreprises - elles ne sont que 21% dans les directions générales -, l'écart de salaire est en réalité de 12%. Le «plafond de verre» reste ainsi bien présent pour ces femmes cadres, qui peinent à accéder aux échelons les plus élevés de la hiérarchie d’entreprise. La discrimination à l'encontre des cadres féminins croît aussi avec l'âge: la différence de salaire est limitée à 2% chez les moins de 35 ans mais atteint 21% chez les 55 ans et plus. Plus d'un tiers (35%) des femmes cadres estime avoir été freinées dans leur vie professionnelle au cours des cinq dernières du fait d'être une femme, selon une enquête réalisée en ligne par l'Apec auprès d'un échantillon de 2.000 cadres du secteur privé en mars. Et près de la moitié d'entre elles (49%) éprouve «un sentiment d'injustice» quant à leur rémunération, contre 40% des hommes, d'après un sondage similaire de décembre dernier.
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«Un niveau de stress intense»
Les femmes ont plus souvent que les hommes des difficultés à concilier leurs vies professionnelle et personnelle, surtout lorsqu'elles ont des enfants de moins de cinq ans. Lorsqu'un enfant est malade, les mères cadres déclarent à 44% assurer «le plus souvent» sa garde, contre seulement 16% des pères cadres. Ces derniers sont 30% à reconnaître que l'enfant est le plus souvent gardé par l'autre parent, contre seulement 6% des mères. Une différence qui pèse bien sûr sur l’emploi du temps des femmes mais aussi sur leur perception par leur employeur. Ces chiffres traduisent aussi une persistance de la fameuse «charge mentale», une expression créée par la sociologue Monique Haicault pour désigner la fatigue et le stress que les tâches domestiques et éducatives font peser sur les femmes qui travaillent.
Plus de la moitié des femmes cadres (54%) ressentent ainsi «un niveau de stress intense» au travail voire «un sentiment d'épuisement professionnel», contre 43% des hommes pour le stress et 42% pour l'épuisement, selon une enquête de l'Apec datant de juin. Enfin, les comportements sexistes perdurent au sein des entreprises avec 45% des femmes et 35% des hommes cadres qui disent en avoir été témoins «au moins de temps en temps».
Des mesures insuffisantes
Des chiffres d’autant plus étonnants que les mesures à destination des cadres ne manquent pas. Ainsi, 49 % des hommes cadres et 43 % des femmes cadres disent avoir déjà mené des actions de sensibilisation sur la question du sexisme au travail. Ces mesures sont toutefois plus présentes dans les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises, où 67 % des cadres disent avoir été sensibilisés à ces problématiques, contre 30 % dans les PME et 14 % dans les TPE. Les ETI-GE sont aussi plus nombreuses à sensibiliser leurs recruteurs à la lutte contre le sexisme et les pratiques discriminatoires (respectivement 57 % contre 24 % pour les PME et 13 % pour les TPE). Toutefois, pour ce qui est d’allouer un budget spécifique à la réduction des inégalités salariales entre hommes et femmes, la route à parcourir est encore longue : seules 14 % des ETI-GE disent l’avoir fait. Un chiffre qui tombe à 5 % pour les PME et 2 % pour les TPE.
Des nombreuses lois ont aussi été mises en place pour favoriser l’égalité homme-femme au travail. La loi de 2014 sur l’égalité réelle entre les hommes et les femmes a ainsi permis plusieurs avancées, comme l’interdiction d'accès aux contrats de commande publique pour les entreprises ne respectant pas les exigences d'égalité professionnelle, ou encore l’obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés de faire valoir un plan d'action relatif à l'égalité hommes-femmes. Une loi de septembre 2018 a aussi mis place un outil d'évaluation pour mesurer et corriger les différences de rémunération dans les entreprises. Celles-ci ont désormais une obligation de résultat, et non plus seulement une obligation de moyens. Enfin la «loi Rixain» votée en 2021 impose des quotas dans les postes de direction des grandes entreprises à horizon 2030 : 40 % de femmes cadres dirigeantes, sous peine de pénalités financières pour les entreprises. Les chiffres de l’Apec révèlent donc un écart persistant entre la loi et les pratiques d’entreprise.