«Qu’un maximum de Français se sentent représentés» : face aux sénateurs, le président de l’Arcom appelle l’audiovisuel public à «l’introspection»

Un baptême du feu sous tension. Mercredi, Martin Ajdari était auditionné pour la première fois au Sénat en tant que président en exercice de l’Arcom. C’est peu de dire que le régulateur de l’audiovisuel intervenait dans un contexte hautement inflammable. La semaine dernière, la Cour des comptes a sonné l’alerte sur l’état critique des finances de France Télévisions. Et début septembre, l’affaire Legrand-Cohen, deux journalistes du service public accusés de connivence avec le PS et de parti pris à l’encontre de la ministre de la Culture sortante, Rachida Dati, est à l’origine d’une polémique politico-médiatique autour de la neutralité du service public. Dans son préambule, Laurent Lafon (Union Centriste), le président de la Commission de la culture, y a fait d’emblée référence: «le pluralisme des opinions est une chose, la neutralité du service public en est une autre».

Sans surprise, cette question du pluralisme et de l’impartialité a agité toute l’audition. Martin Ajdari est revenu sur la diffusion d’extraits vidéo révélés par le média conservateur L’Incorrect, montrant Thomas Legrand et Patrick Cohen en pleine conversation avec deux responsables du PS. «Il y a eu des extraits qui font apparaître des propos ayant jeté un trouble», a-t-il entamé. La question, «antérieure à cette séquence» est plus large du point de vue du régulateur: «dans une société plus polarisée, où les opinions sont plus tranchées et les attentes plus fortes», il s’agit de faire en sorte que «chacun s’y retrouve» par rapport à «un service public que tous financent, dont tous doivent bénéficier et dont tous sont propriétaires», a rappelé Martin Ajdari.

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Et de pointer que, certes, l’information du service public recueille la confiance de 60% des Français, mais qu’il est important de s’intéresser également aux 40% restants. «Pourquoi sont-ils mécontents? Qu’attendent-ils?» a interrogé le président de l’Arcom, avant d’insister: «par rapport à ces mécontentements, frustrations, incompréhensions», les sociétés audiovisuelles publiques doivent faire preuve «d’introspection sur leurs procédures, leurs formations, la façon dont elles abordent les différents thèmes autour desquels le débat public s’organise, pour que le maximum de Français se sentent représentés sur leurs antennes».

Des travaux sur l’impartialité du service public

Cette démarche ne donnera pas de résultat «d’un claquement de doigts», a-t-il prévenu. L’Arcom, toutefois, fait de ce chantier l’une de ses priorités car il y a «une impatiente et une attente», reconnaît Martin Ajdari. «L’impartialité figure dans la loi depuis longtemps» mais ce thème «n’a pas été abordé en tant que tel à ce jour», le régulateur s’étant plutôt concentré, depuis la fin de l’ORTF, sur «l’indépendance» du service public.

La polémique avait conduit l’Arcom, le 17 septembre dernier, à auditionner les deux présidentes de l’audiovisuel public, Delphine Ernotte, à la tête de France Télévisions et Sibyle Veil, la patronne de Radio France. Et décidé le régulateur à engager des travaux visant à «objectiver cette notion d’impartialité et lui donner un caractère plus concret», a précisé Martin Ajdari. L’Arcom prévoit de «mesurer la perception et les attentes du public par des études quantitatives et qualitatives» sur cette question et d’«évaluer les outils qui existent au sein de l’audiovisuel public». Pour autant, «examiner l’impartialité ne veut pas dire qu’il y a des fautes», a tenu à nuancer le président de l’Arcom.

«Dans un contexte de défiance à l’égard des médias et des institutions en général», il s’agit seulement de «donner plus de gages sur la façon dont ces derniers travaillent pour s’assurer que cette exigence d’impartialité» est bien un objectif, a souligné Martin Ajdari.

Ce chantier n’est pas du goût de tous les sénateurs. «Traiter de la question de l’audiovisuel public, c’est aussi traiter de son instrumentalisation», a dénoncé la socialiste Sylvie Robert. «Hasard ou coïncidence, a ironisé la sénatrice du même bord Colombe Brossel, à l’Assemblée, Éric Ciotti (UDR) a fait le choix de demander la création d’une commission d’enquête sur «la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public» à la place d’une commission d’enquête sur «le coût de l’immigration».