Violences à l’école: comme à Bétharram, la parole se libère à Notre-Dame de Garaison, où était scolarisé Jean Castex

Le collège-lycée Notre-Dame de Garaison est situé à Monléon-Magnoac, près de Lannemezan. Capture d'écran Google Maps

Sur Facebook, un collectif d’anciens élèves de cet établissement des Hautes-Pyrénées s’est créé dans la foulée de l’affaire Bétharram. Depuis, des témoignages de victimes de violences physiques et sexuelles affluent.

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L’affaire Bétharram n’est pas un cas isolé. Après les témoignages de 152 anciens élèves de ce collège-lycée privé catholique des Pyrénées-Atlantiques, qui affirment avoir été victimes de violences physiques et sexuelles, d’autres établissements aux alentours se voient également concernés par des accusations similaires. À commencer par le collège Notre-Dame du Sacré-Cœur, dit «Cendrillon», à Dax dans les Landes, par où était passé le chanteur Daniel Balavoine. Mais un peu plus loin dans le Sud-Ouest, à Monléon-Magnoac dans les Hautes-Pyrénées, les anciens élèves d’un autre établissement, Notre-Dame de Garaison, livrent à leur tour de tristes témoignages, relate Ici Béarn Bigorre.

Comme Philippe, qui se souvient des sévices subis par ses camarades et lui de 1984 à 1987, arrivé à l’âge de 12 ans pour redoubler sa cinquième. «Ce sont les internes qui subissaient le plus. Les surveillants, qui étaient des élèves de terminale, avaient l’autorisation de frapper», confie-t-il à nos confrères. Au Figaro, il raconte avoir lui-même reçu de nombreuses claques, dont une qui lui a perforé le tympan : «Quand j’étais en troisième, le surveillant général ne voulait pas que j’aille au foot, un mercredi après-midi. J’ai redescendu l’escalier en bougonnant. Il m’a giflé très fort. J’ai été collé ensuite. Le lendemain matin, en éternuant, j’ai senti de l’air qui sortait par l’oreille. J’ai dû aller voir un spécialiste.» En arrivant chez l’ORL, celui-ci constate que l’oreille est touchée. «Ce patient dit avoir reçu un coup à plat (gifle) sur l’oreille gauche. J’ai constaté une perforation tympanique linéaire», a écrit le médecin sur un certificat médical en date d’octobre 1987 consulté par Le Figaro.

Philippe a été ausculté après avoir reçu une gifle du surveillant général de son collège de Notre-Dame de Garaison, en 1987. Archives personnelles

«On était stressés toute la nuit»

Outre les «baffes», de jour comme de nuit au dortoir, Philippe et ses camarades recevaient régulièrement des «coups de fouet avec un lacet tressé de plus de 30 cm de long». «On attendait les mains derrière le dos avant de se coucher pour recevoir à tour de rôle une grosse claque. On nous faisait aussi courir dans le parc de l’école la nuit en pyjama, même en plein hiver, pour nous punir. On était stressés toute la nuit», note le quinquagénaire. Pour ce dernier, cette «violence systématisée, régulière» de la part de plusieurs surveillants était inexpliquée. «Pour moi, c’était du dressage. Je me demande sur quels critères était recruté le personnel», partage-t-il.

Longtemps, le témoignage de Philippe n’a pas été écouté. «En sortant de Garaison, moi et d’autres, on était refermés sur nous-mêmes. C’est après, jeune adulte, que j’ai raconté ce que j’ai vécu. Mais les gens pensaient qu’on exagérait», explique l’homme, qui vit toujours dans les Hautes-Pyrénées. Alors, quand l’affaire Bétharram a éclaté, Philippe a profité d’une publication sur le sujet sur un groupe Facebook d’habitants de son département pour interpeller sur des situations similaires à Notre-Dame de Garaison. Immédiatement, des victimes se sont manifestées.

Des victimes retrouvées sur Facebook

Philippe a créé son propre collectif le 21 février dernier, pour recenser les témoignages d’anciens camarades. Sur Facebook, le «Collectif victimes Notre-Dame de Garaison» a permis de recueillir plus de 30 récits. Ce vendredi 28 février, Philippe a publié un message indiquant recevoir un grand nombre de récits. «Nous accusons du retard dans le traitement des témoignages (nous allons régulariser ça ce week-end)», écrit l’administrateur. «La parole s’est libérée et nous en sommes très heureux. (...) Je souhaite que cette démarche soit le point de départ d’une réflexion collective sur l’éducation.»

Le «Collectif victimes Notre-Dame de Garaison» a été le 21 février dernier. Capture d’écran Facebook

Plusieurs personnalités sont passées par l’internat Notre-Dame de Garaison. L’ex-premier ministre Jean Castex y était scolarisé de 1979 à 1982 tandis que l’ancien sélectionneur du XV de France Pierre Berbizier, y était inscrit à la fin des années 1970.

Si tous les élèves pensionnaires étaient des garçons, les jeunes filles qui venaient en classe la journée ont également été concernées par ces violences. «L’une d’entre elles affirme avoir été cognée contre un mur», souffle Philippe. Pour l’heure, les témoignages récoltés par son collectif font état de violences physiques. Mais selon Ici Béarn Bigorre, Me Joseph Mesa a indiqué qu’une plainte allait être déposée par un ancien élève, qui dénonce des violences physiques, mais aussi sexuelles ainsi que des viols, survenus entre 1991 et 1993. «Ça fait deux jours qu’il ne dort plus. Tout lui revient», a indiqué l’avocat à nos confrères.