Lois répressives, technologies de surveillance… Comment le droit de manifester est étouffé dans toute l’Europe
Tous les ans, ils défilent à Budapest, blousons noirs sur le dos et croix celtiques tendues bien haut. Tout ce que l’Europe compte de néonazis commémore invariablement la fuite des SS, de la Wehrmacht et de leurs collaborateurs magyars face à l’Armée rouge à la fin de la Seconde guerre mondiale.
Les contre-rassemblements antifascistes, eux, sont régulièrement interdits ou sous le coup des charges de la police, qui procède régulièrement à des arrestations. L’aventure peut finir en prison. La liberté d’expression a été sérieusement réduite pour les syndicats et partis de gauche. Les slogans qui devraient tomber, eux, sous le coup de la loi, ne sont pas empêchés.
En Grèce, une loi copier-coller de la dictature des colonels
Partout, sur un continent qui se targue de s’être construit politiquement sur les idées des Lumières, les lois liberticides se multiplient. En 2020, en Grèce, le gouvernement réactionnaire de Kyriakos Mitsotakis faisait voter une loi obligeant les manifestants à obtenir une autorisation préalable, sur le modèle français, mais également à rendre le responsable
du rassemblement pénalement responsable de tout « débordement » ou « dégradation ».
« Cette loi est un simple copier-coller de celle de 1971, adoptée en pleine dictature des colonels. (…) Jusqu’alors, en Grèce, une manifestation pouvait avoir lieu sauf si elle était interdite ; désormais, manifester est interdit, sauf s’il y a eu une demande préalable d’autorisation », relevait alors, dans Libération, l’écrivain grec Vassílis Vassilikós, décédé depuis. Dans les mois qui ont suivi, les arrestations arbitraires, les passages à tabac dans les commissariats, les interdictions générales de défiler, l’usage démesuré de la force, entraînant des blessures graves, et les amendes ont constitué le lot commun.
La police, elle, est rarement inquiétée. Même refrain en Pologne, où les nationaux conservateurs du parti Droit et Justice (2015-2023), n’ont jamais lésiné sur l’instrumentalisation de l’histoire, interdisant dès 2017 les contre-manifestations à un rassemblement d’importance nationale, tel que les commémorations historiques, dans un rayon de 100 mètres. L’opposition exprimait alors ses craintes de voir la loi étendue à d’autres manifestations.
En 2023, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, rappelait à l’ordre la France : « les actes de violence sporadiques de certains manifestants ou d’autres actes répréhensibles commis par d’autres personnes au cours d’une manifestation ne sauraient justifier l’usage excessif de la force par les agents de l’État. Ces actes ne suffisent pas non plus à priver les manifestants pacifiques de la jouissance du droit à la liberté de réunion ». La représentante européenne mentionnait en outre que l’usage de la force ne devait intervenir qu’en dernier ressort et être proportionné.
Le Covid-19 a servi de prétexte aux régressions démocratiques
Dans de nombreux pays, le Covid-19 a servi de prétexte aux régressions démocratiques, pavant le chemin à l’autoritarisme et empêchant les revendications de s’exprimer quand les emplois dans l’industrie sont promis à l’hécatombe. À grand renfort de reconnaissance faciale, les militants sont suivis et surveillés. Mais la collecte et le stockage des données restent rarement assortis de garanties adéquates.
En Slovénie, la population était même invitée, sur X, par les autorités à photographier les manifestants qualifiés de potentiels « terroristes ». En Allemagne, en 2022 et 2023, des rassemblements commémorant la Nakba, c’est-à-dire l’exode palestinien de 1948, à Berlin en 2022 ont été interdits « sur la base de stéréotypes discriminatoires », note Amnesty International. Selon l’association, la police a qualifié les participants de « prédisposés à la violence ».
Dans un rapport daté de juillet dernier, l’organisation recensait les régressions à l’œuvre dans 21 pays. « Dans toute l’Europe, des lois et des politiques répressives allant de pair avec des pratiques injustifiées et des technologies de surveillance abusives, créent un environnement toxique qui constitue une grave menace pour les manifestant·e·s et
manifestations pacifiques. (…) Ces dizaines de stratégies répressives observées à l’échelle du continent sont clairement terrifiantes », faisait valoir Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty.
En 2022, ce recul des droits était gravé dans la législation communautaire. Adopté à la sortie du Covid, l’instrument du marché unique pour les situations d’urgence, qui doit garantir la libre circulation des biens, des services et des personnes en temps de crise, entravait lui aussi le droit de grève et de manifester. En définissant l’action collective comme une crise paralysant le marché, l’UE ferme la porte aux négociations et aux avancées.
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