Qui est James Comey, l’ancien patron du FBI qui entend défier Trump jusqu’au bout ?

«L’un des pires êtres humains que ce pays ait connu.» Les mots de Donald Trump, jeudi 26 septembre sur Truth Social, disent tout de la rancœur qu’entretient le président américain pour James Comey, l’ancien directeur du FBI qu’il a limogé en 2017. Lequel, à 64 ans, vient d’être inculpé pour entrave à la justice et fausses déclarations par le ministère de la Justice américaine. Ce qu’on lui reproche ? Un témoignage devant le Sénat en septembre 2020, dans lequel il aurait menti sous serment. L’ancien chef de la police fédérale encourt jusqu’à cinq ans de prison.

Pris en otage à 15 ans

Grand, impossible à rater dans une foule, James Comey a toujours eu le don de se retrouver au cœur des tempêtes politiques. Né en 1960 à New York et élevé dans le New Jersey, il vit un traumatisme fondateur à ses 15 ans : une prise en otage avec son jeune frère Peter dans la maison familiale par un criminel notoire armé, surnommé le «violeur de Ramsey». «À un moment donné, alors qu’il nous allongeait sur le lit de mes parents et qu’il pointait les armes vers l’arrière de nos têtes... j’ai cru qu’il allait nous exécuter», racontera-t-il des décennies plus tard, comme le rapporte le magazine américain Newsweek .

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Les deux adolescents parviennent finalement à s’échapper de la salle de bains et alertent la police. Après quoi, le jeune James Comey pensera à son ravisseur tous les soirs pendant cinq ans avant d’aller se coucher. Il dira même se souvenir de dormir, une arme à la main.

Départ de l’administration Bush

Après quoi, l’Américain suit de brillantes études de droit à l’université de Chicago. Il devient bientôt assistant de juges fédéraux de district à New York, puis en Virginie. Sa carrière le met très tôt sur la route des Clinton. Dès 1995, ce père de six enfants est détaché comme conseiller juridique d’une commission sénatoriale chargée d’enquêter sur le scandale immobilier Whitewater qui éclabousse le couple présidentiel. L’enquête fait chou blanc. Six ans plus tard, une nouvelle affaire le relie aux Clinton. Cette fois-ci, il est chargé d’examiner la grâce controversée accordée par Bill Clinton à l’homme d’affaires Marc Rich juste avant de quitter la Maison-Blanche. Là encore, aucune violation de la loi n’est retenue.

Mais c’est face à sa propre famille politique que James Comey va montrer ses griffes. En 2004, alors qu’il occupe le poste d’adjoint du ministre de la Justice sous George W. Bush, il tient tête à la Maison-Blanche. Son patron John Ashcroft est hospitalisé, et des émissaires présidentiels tentent de faire passer un programme de surveillance de la NSA que Comey juge illégal. Il ne cède pas.

Un an plus tard, il quitte l’administration pour le privé. Direction Lockheed Martin, le géant de l’armement, puis la banque britannique HSBC. Pourtant, revirement de situation. En 2013, ce républicain inscrit sur les listes électorales est choisi par Barack Obama pour diriger le FBI. «Ce choix bipartisan vaut au candidat une confirmation à la quasi-unanimité par le Sénat»note Le Monde .

Le président américain Barack Obama est assis aux côtés du directeur du FBI, James Comey, au siège du FBI à Washington, le 28 octobre 2013. SAUL LOEB / AFP

L’affaire des emails d’Hillary Clinton

Mais c’est pour sa gestion controversée de l’affaire des emails privés d’Hillary Clinton que James Comey va faire la une des journaux. En juillet 2016, il recommande de ne pas poursuivre la candidate démocrate tout en la qualifiant d’«extrêmement négligente». Puis, onze jours avant l’élection présidentielle, il annonce rouvrir l’enquête dans une lettre au Congrès. D’après un rapport officiel de 2018, qui le blanchit quant à son impartialité mais critique ses méthodes, il est noté que James Comey a alors commis «une grave erreur de jugement» et aurait dû au contraire s’abstenir d’envoyer une telle lettre fracassante à dix jours du scrutin présidentiel.

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D’autant que, ironie du sort, James Comey a lui-même utilisé une adresse personnelle pour gérer certaines affaires du FBI. «Mais mes emails?», avait réagi sur Twitter Hillary Clinton en apprenant la nouvelle, déformant l’expression «But her emails» («Mais ces emails») utilisée en boucle par les militants républicains pour dénoncer cette affaire. La candidate démocrate avait assuré par le passé que cette affaire lui avait coûté la victoire à l’élection présidentielle.

Guerre ouverte avec Trump

S’il n’est pas en odeur de sainteté chez les Clinton, James Comey n’est pas davantage le bienvenu chez les Trump. Son conflit avec le président américain éclate d’ailleurs au grand jour quand ce dernier le limoge brutalement en mai 2017. James Comey enquête alors sur les soupçons d’ingérences russes dans la campagne du milliardaire républicain. Dans ses mémoires intitulées Mensonges et vérités, l’ancien procureur de New York note que le comportement de Trump lui rappelle les pratiques du crime organisé et de la pègre : «Le cercle silencieux de l’assentiment. Le boss en contrôle total. Les serments de loyauté», écrit-il.

En retour, Trump ne cesse de l’attaquer. Il le qualifie tour à tour de «visqueux», de «détraqué» et affirme qu’on se souviendra de lui comme du «PIRE directeur du FBI dans l’histoire, de loin». Lors d’une interview sur ABC en 2018, James Comey rend coup pour coup : «Je crois qu’il est moralement inapte à être président», déclare-t-il à propos de Trump.

Fausses déclarations et inculpation

L’ancien directeur du FBI, James Comey, s’exprime lors d’une audition devant la Commission sénatoriale du renseignement, au Capitole, le 8 juin 2017 à Washington. BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

Dernière passe d’armes entre les deux hommes : l’inculpation de James Comey pour entrave à la justice et fausses déclarations. Coïncidence ou pas, elle intervient quelques jours après que Donald Trump a publiquement exhorté la ministre de la Justice Pam Bondi à poursuivre ses adversaires politiques. «JUSTICE EN AMÉRIQUE!», s’est immédiatement félicité Trump sur Truth Social. Le sort de l’ancien directeur du FBI est désormais entre les mains de cette même justice qu’il a servie pendant des années.