Wicked, Conclave, Leurs Enfants après eux... Les films à voir ou à éviter cette semaine
Wicked - À voir
Comédie musicale de Jon M.- 2 h 40
S’ouvrant une décennie avant l’arrivée de Dorothée au pays d’Oz, Wicked revisite l’univers de la saga de Lyman Frank Baum, en s’intéressant à ses magiciennes : la méchante sorcière de l’Ouest Elphaba et la bonne sorcière du Nord Glinda. Née avec la peau verte et irisée, Elphaba ne contrôle pas ses pouvoirs magiques. De quoi l’ostraciser auprès de ses camarades de l’université de Shiz. La parfaite Glinda l’a dans le collimateur. Mais parfois les opposés s’attirent. Les deux jeunes femmes nouent une amitié qui va les transformer, le tout dans un climat de tensions grandissantes. Wicked déborde d’une vitalité qui emporte tout sur son passage. Le réalisateur John M. Chu (In The Heights) sort le grand jeu pour brouiller la frontière entre effets spéciaux numériques et décors naturels. Surtout, les acteurs chantent pour de vrai. Pas sur une bande préenregistrée. L’émotion, la spontanéité, les imperfections des extraordinaires Cynthia Erivo, qui prête ses traits à Elphaba, et Ariana Grande peuvent se déployer. C. J.
À lire aussi Notre critique de Wicked, avec Ariana Grande : le Magicien d’Oz joue la carte des sorcières
Conclave - À voir
Thriller d’Edward Berger - 2 h
Le souverain pontife vient de mourir. Il faut choisir son successeur. Les cardinaux se réunissent au Vatican sous la houlette de leur doyen, le vénérable Ralph Fiennes, qui ne se sent pas de taille à endosser l’habit suprême. Autour de lui, ses confrères ont moins d’états d’âme. Ils se voient tous enfiler la soutane blanche. Les ego se bousculent. L’hypocrisie règne. Les vestes écarlates se retournent. Ces palinodies montrent assez que les hommes les plus respectables sont torturés par leurs démons. On a beau vénérer Dieu, la soif de pouvoir n’a pas dit son dernier mot. Le film est d’une beauté plastique étonnante, qui enchaîne les tableaux, dans les rouges, dans les noirs. Les décors sont somptueux, jonchés de peau de banane. Le suspense plane. Une surprise de taille guette ces éminences isolées du reste du monde. Le doyen n’est pas au bout de ses peines. La performance du comédien invite aux superlatifs. Et c’est ainsi que Ralph Fiennes est grand. Amen. E. N.
À lire aussi Notre critique de Conclave avec Ralph Fiennes : retournement de vestes écarlates
Leurs Enfants après eux - À voir
Drame de Ludovic et Zoran Boukherma - 2 h 16
Il n’y a rien à faire. C’est le problème de l’adolescence. L’ennui redouble avec la chaleur et quand on ne part pas en vacances. Ça n’est pas une vie de rester en Lorraine, avec ce temps-là. Anthony ne s’attendait pas à ça, mais il en profite pour tomber amoureux. Cela occupe. Il y a les balades sur deux-roues, les baignades dans le lac à moitié pollué. Le film égrène quatre étés des années 1990. L’époque est là. Les tubes du moment bercent les soirées. Cabrel, Nirvana, Goldman, vous vous souvenez ? Les générations se percutent. Vieille histoire. Elle fonctionne toujours. Les frères Boukherma lui redonnent des couleurs, avec la juste dose de mélancolie et du romanesque comme s’il en pleuvait. Ils savent décrire les tourments, les espoirs de cet âge qu’on dit bêtement ingrat. L’image a du grain. L’amour, parlons-en. Il ne sert peut-être qu’à rendre les slows moins ridicules. C’était cela, la jeunesse, rien que cela. Elle n’avait pas de prix, malgré le vide et la tristesse. E. N.
À lire aussi Que vaut Leurs enfants après eux, adapté du Goncourt de Nicolas Mathieu ?
Shambhala, le royaume des cieux - À voir
Drame de Min Bahadur Bham - 2 h 31
Dans un village isolé à plus de 4 000 m d’altitude, Pema se marie à Tashi. . Alors que ce dernier emmène sa communauté à Lhassa pour y vendre des marchandises et se ravitailler, Pema apprend qu’elle est enceinte. En l’absence de son mari, les villageois la soupçonnent d’adultère. Dans un environnement sans moyen de communication, la nouvelle se propage toutefois jusqu’à Tashi, qui préfère ne pas revenir de son expédition plutôt que d’affronter la rumeur. Mais Pema est sûre de sa fidélité et part à la recherche de son mari. Tourné dans des décors naturels et avec des acteurs non professionnels, Shambhala se déguste comme un temps de contemplation ou de méditation. La notion d’éphémère, chère à la philosophie bouddhiste, se découvre au fil des saisons et des obstacles, le cadre devenant plus large tandis que Pema se révèle à elle-même. Pétri d’authenticité, ce film de deux heures et demie n’a ni intrigue haletante ni rebondissements spectaculaires, et pourtant il captive sans jamais entraîner de tomber de paupières. C’est tout l’art de raconter une histoire. On espère que Min Bahadur Bham en écrira d’autres. F. V.
À lire aussi Notre critique de Shambhala, le royaume des cieux : états d’âme au sommet
Daddio - On peut voir
Drame de Christy Hall - 1h40
Sean Penn et Dakota Johnson dans un taxi, qui conversent jusqu’au bout de la nuit. Présenté au Festival de Deauville, ce huis clos, premier film de la dramaturge Christy Hall, séduit par la simplicité et la sobriété du dispositif, d’où émane une pression constante. Dans les rôles d’un chauffeur de taxi et d’une passagère, obligée de cohabiter de longues heures à cause de bouchons, Sean Penn et Dakota Johnson manient les pauses, les hésitations, les esquives comme des escrimeurs. Elle pianote sur son téléphone, il comprend qu’il s’agit de son amant. Démarre un échange sur les regrets, le désir, la famille, le tabou de la fausse couche ou de l’adultère. Et in fine sur les attentes impossibles que l’on place sur les femmes. Entre la trentenaire un peu perdue et le quinqua aux trois divorces, la maturité n’est pas forcément du côté où l’on croit. Christy Hall saisit à merveille le processus d’abandon qui mène à autant de confidences avec un étranger : l’effet hypnotique de la route, les allures de divan psy d’une plage arrière où seul le dos de votre interlocuteur émerge. Chaque angle, chaque reflet de rétroviseur est étudié. Jamais la lassitude ne s’installe. C. J.
Limonov, la ballade - À éviter
Drame de Kirill Serebrennikov - 2h18
Si le livre est à l’origine du scénario, on ne sait pas très bien quel regard porte Serebrennikov sur son compatriote. Il voit sans doute en lui une sorte d’alter ego, d’artiste inclassable et excentrique. L’acteur britannique Ben Whishaw, avec ou sans perruque, ressemble plus à Philippe Lançon qu’à Limonov. Quel que soit le pays où il réside, le poète parle anglais avec un faux accent russe. Une convention relativement admise dans le cinéma hollywoodien (voir Adam Driver dans House of Gucci et dans Ferrari) mais plus difficile à avaler dans un europudding. Le film reste à la surface. Sa mise en scène pop, qui assume ses décors en studio et son artificialité, édulcore le personnage, escamote le nationaliste de la fin et le leader politique à la tête d’une bande de skinheads. Son Limonov n’a rien d’inflammable. E. S.
À lire aussi https://www.lefigaro.fr/culture/notre-critique-de-limonov-la-ballade-plus-pop-que-provoc-20241203