Élections au Pakistan : une coalition comme avant, confrontée aux mêmes problèmes

La nouvelle coalition gouvernementale tout juste annoncée au Pakistan est une redite de celle qui avait fait tomber l'ex-premier ministre Imran Khan en 2022, lequel conserve un fort pouvoir de nuisance même dans l'opposition, estiment des analystes. Les élections législatives du 8 février ont abouti à un résultat inattendu pour les partisans de l'ancienne star du cricket, actuellement emprisonnée. Malgré la répression ordonnée par l'armée à leur encontre, ils ont obtenu le plus grand nombre de sièges à l'Assemblée nationale.

Mais sans majorité absolue et refusant toute alliance, ils ont assisté mardi à l'annonce de la création d'une coalition les excluant, par la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) de Nawaz Sharif, arrivée en deuxième position. La PML-N, soutenue par les militaires, s'est alliée au Parti du peuple pakistanais (PPP), de Bilawal Bhutto Zardari, et à des formations mineures pour former le prochain gouvernement. «Plus les choses changent, plus elles restent pareilles», commente pour l'AFP Hafsa Khawaja, une analyste politique. «C'est la même configuration (qu'en 2022), mais seulement avec l'estampille de ces élections.»

Les succès des candidats indépendants soutenus par le parti d'Imran Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) - lequel n'était pas autorisé à figurer sur les bulletins - imposait une large coalition pour former le gouvernement. Mais tout laisse à penser qu'elle sera encore plus fragile que celle de 2022. Bilawal Bhutto Zardari, ministre des Affaires étrangères en 2022-2023, a laissé entendre que le PPP pourrait ne pas occuper de postes ministériels, et se contenter de soutenir la coalition au cas par cas.

Des «décisions difficiles et impopulaires»

Le PPP peut encore changer de ligne. Outre les postes de ministres, beaucoup restent à négocier, dont le rôle d'Asif Ali Zardari, président de la république islamique entre 2008 et 2013, que son fils, Bilawal, aimerait voir occuper à nouveau ce poste. Si le PPP renonce bien à tout maroquin, cela fera du futur exécutif un gouvernement minoritaire, donc dans «une position encore plus faible» qu'en 2022, remarque Amber Rahim Shamsi, une autre analyste politique.

Le Pakistan reste confronté à une grave crise économique et le nouveau gouvernement devra accepter des mesures d'austérité supplémentaires pour obtenir une nouvelle et indispensable aide financière du Fonds monétaire international (FMI). «Quel que soit le gouvernement, il devra prendre énormément de décisions difficiles et impopulaires», prévoit Amber Rahim Shamsi.

Après son éviction en 2022, Imran a défié de front l'armée, qui a dirigé le pays pendant des décennies et était pourtant présumée l'avoir soutenu lors de son élection en 2018. Il l'a accusée d'avoir orchestré sa chute et lui a attribué ses ennuis judiciaires, destinés selon lui à empêcher son retour au pouvoir. Il n'a pas pu se présenter aux élections après des condamnations à de longues peines de prison pour trahison, corruption et mariage non islamique, juste avant le scrutin.

Influence de l'armée

Mais même affaibli, et se disant victime de fraudes massives, le PTI a raflé environ 90 des 266 sièges de l'Assemblée nationale mis en jeu. Un résultat qui lui permet de continuer à perturber le jeu. «L'establishment a cherché à démanteler le parti, mais au final il n'a pas réussi à le rendre obsolète», souligne Hafsa Khawaja. «Le PTI ne va pas disparaître, même si c'est un parti affaibli.»

La PML-N a indiqué que son candidat au poste de premier ministre serait non pas Nawaz Sharif, le fondateur du parti, qui a déjà occupé cette fonction trois fois, mais son frère cadet Shebaz. Celui-ci avait déjà dirigé le gouvernement de coalition après la chute d'Imran Khan il y a deux ans, et est considéré comme plus souple à l'égard de l'armée.

Même quand elle n'était pas elle-même au pouvoir, l'armée n'a jamais cessé de jouer les faiseuses de roi. Une coalition un peu instable lui permettrait aussi de maintenir plus aisément son influence. «Mais l'armée est devant un dilemme au sujet de ces politiciens», observe Qamar Cheema, un expert politique de l'institut Sanober, à Islamabad. Elle a besoin d'eux pour garantir «une stabilité plus large». Or, «tant que ce gouvernement n'aura pas le soutien du public, il ne sera pas en mesure de faire ce qu'on attend de lui.»