Tatouages, piercings et bermudas : L’Épreuve du feu, récit d’une chronique sociale désenchantée sur la côte Atlantique

Tatouages, piercings et bermudas : L’Épreuve du feu, récit d’une chronique sociale désenchantée sur la côte Atlantique

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Voilà comment certains entrent dans l’âge adulte, le temps d’un séjour à la mer. Paname Distribution

À travers une romance estivale entre un jeune homme un peu nigaud et une esthéticienne aux allures de bimbo, Aurélien Peyre dissèque l’époque et sa jeunesse. Une comédie douce-amère adroitement menée.

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Il a perdu 30 kilos. Personne ne continuera à l’appeler « Hugros ». Ça n’est pas le seul changement chez ce garçon qui passe chaque année ses vacances dans cette île au large de l’Atlantique. Cette fois, il est accompagné. Depuis trois mois, Hugo sort avec Queen, une esthéticienne dont l’allure détonne un peu dans la villégiature huppée. Ses copains chuchotent et rigolent. La demoiselle a des piercings et des tatouages, des faux ongles de 3 kilomètres, des maillots aussi minuscules qu’un timbre-poste. Ses formes sont rebondies et elle ne mâche pas ses mots.

Au début, le nigaud était fier de l’exhiber. Ensemble, ils partageaient le goût des mangas. Hélas, elle ne tarde pas à l’agacer. Il ne tient pas à devenir la risée des habitués en bermuda. Elle fait trop de bruit en tirant sur sa cigarette électronique. De charmant, son accent méridional se transforme en handicap. Et puis pourquoi se trimballe-t-elle avec cette chienne microscopique qu’elle enduit de crème solaire ? Les fiestas tournent au vinaigre. Quelle manie, aussi, de s’habiller avec des jupes aussi courtes ! Cela crée des disputes entre filles. Les insultes volent.

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Chronique désenchantée

L’ex d’Hugo observe le manège. Le jeune homme rougit, embarrassé. On ne l’invite plus aux virées en catamaran. Le sommet est atteint lorsque, par maladresse, Queen efface avec son doigt un dessin au fusain. Cette gourde lui sort par les trous de nez. Il a honte d’elle. Elle lui rase le crâne. Cela forme une sorte d’éclair sur sa tempe. Les autres le baptisent Kevin. Elle achète une carte postale pour sa grand-mère. Elle oubliera de l’envoyer. L’été vire au cauchemar.

Avec L’Épreuve du feu, Aurélien Peyre dissèque l’air de rien la cruauté des rapports sociaux, les tics de langage, le fossé qui sépare les nantis des « sans-dents ». Sans singer Bourdieu, il donne chair à sa chronique fine et désenchantée, quelque chose entre Les Tricheurs, La Dentellière et Pascal Thomas. Voilà comment certains entrent dans l’âge adulte, le temps d’un séjour à la mer. Plus rien ne sera jamais pareil. Ils laisseront tous un peu d’eux-mêmes derrière eux, au son délicieusement démodé de Parlez-moi de lui. On écoute donc Nicole Croisille dans les sorties entre petits-bourgeois d’aujourd’hui ?

C’est une des raisons pour voir cette comédie douce-amère qui en dit long sur l’époque, la jeunesse, les regrets. Est-ce qu’Hugo s’est comporté comme un salaud ? Il a été un peu lâche, c’est tout. La leçon vaut d’être méditée. Ce premier film fournit aussi un mémorable échange : « Tu n’as qu’à lire », « J’ai plus de batterie ». Les remords garderont le visage de cette Queen avec ses cils trop longs et ses espoirs démesurés. C’est du propre.

La note du Figaro : 3/4