Pacifique : le plus vieil oiseau sauvage connu au monde pond un œuf... à 74 ans
Elle ne cesse d’émerveiller le milieu scientifique. Le plus vieil oiseau sauvage connu au monde, suivi par des chercheurs depuis l’administration Eisenhower, devrait accueillir un nouvel oisillon dans les mois à venir. Surnommée Wisdom, cet albatros de Laysan de 74 ans a pondu un œuf le 27 novembre sur l’atoll de Midway, un petit bout de terre dans l’océan Pacifique qui abrite des millions d’oiseaux marins et la plus grande colonie d’albatros au monde. Les chercheurs se sont dits optimistes quant à l’éclosion de cet œuf dans deux mois environ, ce qui ferait de Wisdom une mère pour la trentième fois. Son dernier oisillon a éclos en 2021.
«Elle est unique», s’est émerveillé le Dr Jonathan Plissner, biologiste superviseur de la faune au Midway Atoll National Wildlife Refuge (Refuge national de la vie sauvage de l’atoll de Midway) à la BBC. «Nous n’en connaissons pas d’autres dont l’âge soit aussi proche du sien».
Sa longévité est d’autant plus impressionnante qu’elle est toujours en capacité de se reproduire. En effet, le biologiste a expliqué qu’il était «très rare» qu’un oiseau de l’âge de Wisdom ponde un œuf, sachant que «l’âge moyen auquel les oiseaux peuvent survivre est probablement plus proche de 30 ans». Il a ajouté que l’albatros le plus âgé que les chercheurs connaissent sur l’atoll de Midway, après Wisdom, a environ 45 ans.
Au moins trois partenaires
Les chercheurs du Service américain de la pêche et de la faune sauvage (U.S. Fish and Wildlife Service) rapportent que Wisdom passe la plus grande partie de sa vie en mer, et qu’elle aurait parcouru environ 3,7 millions de kilomètres. Comme elle a été trouvée dans un nid et que les albatros ne commencent à pondre que vers l’âge de 5 ans, les chercheurs de l’époque ont estimé qu’elle devait avoir au moins 5 ans, même si son âge exact n’est pas connu. Wisdom a survécu à Chandler Robbins, le célèbre ornithologue qui l’a baguée en 1956. Il est décédé en 2017.
Les chercheurs du refuge ont indiqué que Wisdom était revenue le 26 novembre sur l’atoll de Midway, qui fut le site de l’une des plus grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale, quelques années seulement avant sa naissance. Dès son arrivée, l’albatros a immédiatement commencé à interagir avec un mâle, censé devenir son nouveau compagnon. Bien que les albatros s’accouplent généralement pour la vie, ils trouvent de nouveaux partenaires pour se reproduire si le leur meurt. Dr Jonathan Plissner pense que Wisdom a survécu à au moins trois partenaires.
Par le passé, elle a couvé et élevé des petits avec un autre albatros nommé Akeakamai pendant des décennies, la dernière fois en 2021. Or ce dernier n’a pas été aperçu depuis plusieurs années. Le nouveau compagnon de Wisdom, resté pour couver l’œuf, a été équipé d’une bague de repérage vendredi dernier, pendant que Wisdom repartait en mer pour un temps. La plupart des œufs d’albatros éclosent en janvier ou février, après environ 65 jours d’incubation. Les petits s’envolent du nid en juin ou en juillet, après avoir été nourris pendant plusieurs mois d’œufs de poisson régurgités par leurs parents et de calamars.
Entre 50 et 60 œufs pondus
«Je pense qu’il est impossible de regarder cet oiseau sans être stupéfait qu’il se reproduise encore et qu’il ait pondu un œuf», a déclaré au New York Times le Dr Carl Safina, un écologiste marin de l’université de Stony Brook qui étudie les oiseaux de mer. Contrairement à de nombreux mammifères, les oiseaux peuvent pondre jusqu’à la fin de leur vie, bien qu’ils ralentissent leur activité en vieillissant, a expliqué l’écologiste.
Les albatros ne peuvent pondre qu’un seul œuf par an, et Wisdom en aurait pondu entre 50 et 60 depuis que les chercheurs ont commencé à la suivre en 1956. Dans un communiqué du Service américain de la pêche et de la faune sauvage, le Dr Jonathan Plissner a estimé qu’au moins 30 oisillons ont éclos des œufs de Wisdom et se sont envolés du nid.
Selon le Dr Carl Safina, Wisdom porte bien son nom en raison de sa capacité à survivre malgré les dangers environnementaux croissants pour les albatros, comme la pollution plastique et l’élévation du niveau de la mer qui menacent leurs aires de nidification. «Le fait qu’elle soit âgée est une chose, mais le fait qu’elle ait survécu aussi longtemps est encore plus impressionnant».