Les sénateurs du centre et les socialistes ont déclaré la guerre aux kebabs. Alors que la restauration rapide continue de gagner du terrain dans l’Hexagone, ils ont voulu marquer un coup d’arrêt à un phénomène qu’ils jugent néfaste pour l’économie locale comme pour la santé des Français. Un amendement déposé ce lundi 1er décembre – et rejeté en séance ce mardi – proposait de relever le taux de la TVA à 20% sur la restauration rapide et de la baisser à 5,5% pour les restaurants dont le patron est reconnu «maître restaurateur». Ces deux antipodes de la profession bénéficient donc toujours du taux réduit de 10%. Adopté, cet amendement au projet de loi de finances pour 2026 risquait d’accentuer l’écart croissant entre deux France : celle qui chérit son terroir - et a les moyens d’aller dans des restaurants plus haut de gamme - et celle qui fête ses anniversaires sur les bancs de McDonald’s.
Ils ne sont pourtant que 3300 «maîtres restaurateurs» à exercer dans l’Hexagone. Titulaires d’un titre d’État délivré par le préfet pour quatre ans après un audit indépendant, leurs établissements sont reconnus par les pouvoirs publics pour leur cuisine entièrement faite maison, à partir de produits frais et de saison, souvent approvisionnés en circuit court. Ce titre «entend récompenser des établissements d’excellence, aussi bien des bistrots que des tables gastronomiques, mais tous garants d’une cuisine authentique», précise le site du ministère de l’Économie et des Finances.
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Passer la publicitéProtéger «nos bistrots, nos routiers»
L’amendement entendait répondre à la montée en puissance continue de la restauration rapide. La France compterait en 2025 plus de 52.500 restaurants rapides, contre 13.000 au début du siècle, selon une étude de marché du Crédit Agricole. «Partout en France, nos maires ne savent plus comment freiner la prolifération des fast-foods et des dark kitchens , qui s’installent dans les centres-villes et les villages, détruisant nos bistrots, nos routiers et nos maisons de famille», s’inquiètent ainsi les sénateurs.
Les fast-foods ne sont pourtant pas les seuls dans le collimateur de l’Union centriste et des socialistes. L’amendement déposé proposait également de rehausser le taux de la TVA «pour les prestations de livraison de repas industrialisées», citant les plateformes Uber Eats et Deliveroo en exemple. Il visait ainsi à «valoriser fiscalement la production artisanale et décourager les modèles qui dévitalisent nos territoires», quand bien même des restaurants artisanaux peuvent proposer leurs produits sur les plateformes. Toujours est-il que les élus y voient un modèle «qui subventionne aujourd’hui la malbouffe» et contribue à la dévitalisation commerciale des territoires.
Faisant flèche de tout bois, le thème de la santé publique était aussi un de leurs leitmotivs. Une thématique directement liée, cette fois, au budget de la Sécurité sociale. «Selon la Caisse nationale d’assurance maladie, le diabète coûte déjà plus de 10 milliards d’euros par an en remboursements directs. Soutenir la restauration artisanale, c’est investir dans la prévention et la santé publique», affirment tout de go les auteurs de l’amendement.
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Taxe sur les ménages les plus modestes
Un amendement similaire, déposé lui par les socialistes à l’Assemblée nationale en octobre dernier, avait déjà provoqué une levée de boucliers. Celui-ci proposait réserver le «taux réduit à 5,5% aux seuls établissements titulaires du titre de maître restaurateur», tout en augmentant le taux de tous les autres restaurants à 20% - fast-foods, brasseries et bistrots compris . «Ni les restaurants ni leurs clients n’ont les moyens de supporter une hausse de la TVA dans la restauration», avaient alors dénoncé les organisations professionnelles du secteur – le Groupement des Hôtelleries & Restaurations de France (GHR), la Fédération des Entreprises de la Boulangerie (FEB), le Groupement national des chaînes hôtelières (GNC), les Traiteurs de France et le Syndicat national de l’Alimentation et de la Restauration rapide (SNARR).
Contrairement à la première proposition, qui menaçait l’ensemble de la profession, la nouvelle version de la réforme épargnait désormais les restaurateurs traditionnels. Seul le syndicat représentant la restauration rapide demeurait dans la ligne de mire. Pourtant, cette réforme fiscale est toujours loin de faire consensus. La commission des finances du Sénat n’y était pas non plus favorable. D’autant que la perspective d’une hausse à 20% de la TVA sur la restauration rapide fait craindre un impact direct sur les ménages les plus modestes ou les étudiants, pour lesquels kebabs, burgers à emporter ou tacos sont parfois les seuls repas qu’ils jugent accessibles hors de leur cuisine.