Pass Culture : les conditions de mise en place au cœur d’une enquête pour corruption

Le parquet national financier (PNF) vient d’élargir son enquête sur les conditions de la création du pass Culture au délit de prise illégale d’intérêt. Ouverte fin 2023, elle se penche sur le contrat de sous-traitance pour la mise en place du pass Culture, accordé à partir de 2018 à une société de conseil dirigée par le haut fonctionnaire Éric Garandeau, alors également chargé de la mise en œuvre du dispositif au sein du ministère.

Au départ, les juges visaient uniquement des faits de favoritisme et de détournement de fonds publics, mais les motifs ont été élargis à la suite d’un signalement déposé au parquet le 17 décembre 2024 par l’association Anticor afin de « mettre en lumière des pratiques qui consisteraient, pour certains hauts fonctionnaires, à s’enrichir par le biais de l’État et à se servir de leurs relations pour obtenir des contrats ».

Les multiples casquettes d’Éric Garandeau

C’est la Cour des comptes qui la première a tiré la sonnette d’alarme pour saisir le PNF. Dans un rapport publié en juillet 2023, elle s’était interrogée « sur l’opportunité du recours à un consultant extérieur » pour la mise en place du dispositif d’accès à la culture voulu par le président Macron.

Les « sages » de la Rue Cambon y signalaient aussi qu’Éric Garandeau, par ailleurs ancien conseiller culturel du président Sarkozy, puis président du Centre national du cinéma (CNC) de 2011 à 2013, « était responsable d’un projet pour lequel il était à la fois chargé d’une mission de service public consistant à piloter et à surveiller la mise en œuvre d’un dispositif, et rémunéré par le prestataire de services qui était le principal bénéficiaire des marchés passés pour cette mise en œuvre ».

Au moment du lancement du pass Culture en 2018, le ministère de la Culture et la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication (Dinsic) de l’État décident de créer une « start-up d’État » pour s’en occuper. « Cette structure était composée de membres du ministère et de la Dinsic, ainsi que de prestataires externes recrutés via des marchés publics. Or cette collaboration aurait permis de possibles irrégularités », explique Anticor.

D’abord embauché pour être l’un des deux rédacteurs d’une étude détaillée du projet, Éric Garandeau en a été ensuite nommé responsable, bien que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ait émis un avis défavorable. Jusqu’à ce que le conseiller culturel démissionne, en novembre 2019, sa société, Garandeau Consulting, a effectué de la sous-traitance pour plus de 1 million d’euros pour Octo Technology, elle-même en contrat pour la mise en place du pass avec la Dinsic.

Irrégularité supplémentaire également mise en valeur par le Cour des comptes et rappelée par Anticor, « la sous-traitance entre Octo Technology et Garandeau Consulting n’avait pas fait l’objet d’une déclaration préalable, comme cela aurait dû être le cas ». Et comme les grands talents ne restent jamais longtemps inemployés dans la Macronie, Éric Garandeau, après ce passage remarqué à la tête du pass Culture, est devenu en 2020 le lobbyiste en chef du réseau social TikTok en France.

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