«Sortez-les de là, ramenez-les à la maison !» : la fille d’un des otages français en Iran brise le silence

Sur les images de l’agence de presse iranienne Isna défilant à l’écran, des tas de briques au sol montrent tout ce qu’il reste du bâtiment de la prison d’Evin à Téhéran, touchée ce lundi par des frappes israéliennes. L’infirmerie de la prison est en ruines, les lits recouverts de gravats. C’est dans ce centre pénitentiaire de haute sécurité, touché lundi par des frappes israéliennes, qu’ont été incarcérés depuis plus de trois ans Cécile Kohler et Jacques Paris. Où sont-ils à présent ? Leurs proches l’ignorent, n’ont aucune nouvelle depuis. L’angoisse a poussé la fille de Jacques Paris, 72 ans, à sortir du silence lors de cette conférence de presse organisée ce vendredi à Paris. «J’ai peur pour la vie de mon père, je ne sais pas ou il se trouve», glisse en préambule Anne-Laure Paris, des larmes dans la voix.

Les deux otages français sont-ils sous les décombres ? Ont-ils été transférés dans une autre prison, ou vers un lieu obscur ? Lundi soir, le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, a usé du conditionnel pour évoquer le sort des deux ressortissants français après les frappes israéliennes, affirmant avoir reçu des indications des autorités iraniennes selon lesquelles ils «n’auraient pas été touchés». Les proches, eux, n’ont pas confiance dans ces déclarations. «Nous voulons des réponses précises, plus que la seule parole des autorités iraniennes», déclare Anne-Laure Paris, faisant part de deux demandes : des preuves de vie, et une libération.

Des frappes proches de la section 209

Officiellement, Jacques et Cécile sont «portés disparus», clame leur avocate, Me Chirinne Ardakani. Les familles sont d’autant plus inquiètes que l’infirmerie touchée «se trouvait à quelques mètres de la section 209» réservée aux prisonniers politiques, explique Noémie Kohler, la sœur de Cécile. Le porte-parole du pouvoir judiciaire, Asghar Jahangir, a affirmé à la télévision d’État que la frappe avait fait des morts et des blessés «parmi le personnel, les visiteurs civils et les détenus». «Au vu de la précarité du cessez-le-feu» acté avec Israël, «nous demandons une exfiltration», déclare leur avocate, Me Chirinne Ardakani.

Depuis 840 jours, Jacques Paris, et sa compagne Céline Kolher sont «maintenus en cage», selon les mots que Jacques Paris a livrés lui-même à sa fille lors de leur dernier échange, le 28 mai dernier. Anne-Laure Paris est revenue sur les conditions de détention de son père, qui a fêté son 72e anniversaire en détention le 7 juin dernier. Dans la section 209, Cécile et Jacques vivent dans des cellules de 9 mètres carrés où ils dorment à même le sol, sur des couvertures. Il arrive à Jacques de partager cet espace avec des co-détenus dangereux. Ils ne peuvent sortir que trois fois par semaine au plus, pour une durée de 30 minutes dans une cour. Ils n’ont rien pour écrire et en trois ans, ses proches n’ont pu faire parvenir à Jaques que sept livres. Lors de son dernier appel le 4 juin, l’otage français a confié à sa fille être «lessivé». «Sortez-les de là, ramenez-les à la maison, c’est une urgence vitale !», enjoint la fille les larmes aux yeux.

Noémie Kohler a également exprimé son scepticisme face aux déclarations mercredi du ministre délégué au Commerce extérieur et des Français de l’étranger, Laurent Saint-Martin. Ce dernier affirmait que le gouvernement avait eu «l’assurance» que Cécile et Jacques «n’ont pas été blessés». «Les autorités iraniennes sont manipulatrices, on en sait quelque chose», glisse la sœur d’otage, qui mène la mobilisation pour la libération des prisonniers depuis près de 3 ans. Au fils des mois, les deux otages ont reçu tour à tour des informations contradictoires sur une libération imminente, puis sur un verdict très sévère, à des fins de «torture psychologique», dénonce Noémie.

D’autres ressortissants européens et binationaux, détenus dans la prison d’Evin, ont aussi leur sort suspendu. Selon les avocats de Cécile et Jacques, «certains otages ne sont pas connus, car les familles ne communiquent pas». L’un des cas médiatisés est le médecin irano-suédois Ahmad Reza Jalali, emprisonné depuis neuf ans et condamné à mort pour espionnage. Selon Amnesty International , l’urgentiste aurait été transféré vers un autre centre de détention, le «Greater Tehran Penitentiary», où ses proches redoutent une «exécution imminente».