Frappes américaines en Iran : "Exactement le type d'opération que Donald Trump condamnait chez ses prédécesseurs", selon l'historien Justin Vaïsse
"C'est Trump ! On n'a pas exactement les mêmes critères de jugement et d'explication de sa conduite que pour d'autres présidents", explique lundi 23 juin, sur franceinfo, Justin Vaïsse, historien spécialiste des États-Unis, fondateur et directeur du Forum de Paris sur la Paix. "C'est une guerre de choix qu'il mène, poursuit-il, c'est un bombardement qu'il a choisi de conduire et qui n'était pas absolument nécessaire, c'est-à-dire exactement le type d'opération qu'il condamnait chez ses prédécesseurs."
L'historien explique ce revirement par "une sorte d'engrenage" : "Il a laissé la bride sur le cou à Benyamin Nétanyahou", décrit Justin Vaïsse, avec un risque inhérent à toute opération militaire : "Il y avait la possibilité qu'Israël rencontre des problèmes et doive recevoir l'aide États-Unis, ou que pour finir le travail, c'est-à-dire détruire le plus possible les installations les plus enfouies, l'Amérique doive entrer en guerre. Et c'est ça qui s'est passé."
Revirement face à un électorat marqué par les guerres d'Irak et d'Afghanistan
Si Donald Trump "a toujours été farouchement opposé au programme nucléaire iranien, une des rares constantes politiques chez lui, reconnaît l'historien, son engagement vis-à-vis de ses électeurs était bien de ne pas entamer de nouvelles guerres". Les Américains ont en effet été durement marqués par les "forever wars : les guerres qui n'en finissent pas", en Irak et en Afghanistan. Un rejet "constitutif du mouvement MAGA" (Make America Great Again), rappelle Justin Vaïsse.
Le président américain "se serait très bien accommodé d'une négociation, ça n'a pas fonctionné (...), décrit l'historien. "Donc il y va et maintenant il faut qu'il justifie son action vis-à-vis de sa base, ce qui ne devrait pas être un trop gros problème", tempère Justin Vaïsse,"parce que le trumpisme est d'abord la fidélité à un homme", donc même s'il y a des contestataires, au cœur du mouvement "on est prêt à suivre le chef", assure l'historien.
Jusque-là, "les assassinats ciblés ne constituent pas vraiment une entrée en guerre" et donc les États-Unis n'étaient pas "techniquement" en guerre contre le gouvernement iranien. Cette fois, "le Congrès est furieux parce qu'une nouvelle fois, raconte Justin Vaïsse, l'exécutif prend sur lui de conduire une action militaire sans déclaration de guerre mais sans même consulter le Congrès. Et ça, ça dit beaucoup de la toute puissance de Donald Trump actuellement à Washington".
Peu de chances pour un "embrasement régional"
"Pour qu'il y ait une escalade, il faut que l'Iran soit en mesure de répondre ou qu'elle ait des alliés", explique lundi 23 juin, sur franceinfo, Justin Vaïsse, historien spécialiste des États-Unis, fondateur et directeur du Forum de Paris sur la Paix. "On voit bien que la République d'Iran est très affaiblie maintenant, poursuit-il, il reste beaucoup de missiles surtout de courte portée, qu'elle peut tirer en effet sur les bases américaines de la région voire sur ses voisins qui sont tout proches, Koweit, Barhein, Émirats arabes unis et Qatar. Mais elle s'exposerait ce faisant à des représailles." (...)
Quant aux alliés, l'historien détaille : "En termes d'alliés, il n'y a pas beaucoup de monde. La Chine, qui tire une bonne partie de son pétrole de l'Iran, n'est pas prête à l'aider. La question c'est la Russie, qui a été fournie en missiles et en drones par l'Iran, mais on voit mal Vladimir Poutine empêtré dans sa guerre en Ukraine venir en aide à l'Iran."
"Donc l'Iran est très, très isolé à ce stade, résume Justin Vaïsse. Évidemment, il faut toujours se méfier, on ne sait pas ce qui va se passer. Les guerres ont cette façon d'échapper au contrôle de ceux qui l'initient, qui est très forte. Mais pour l'instant, l'Iran est faible et il y a assez peu de chances qu'il y ait un embrasement régional, au-delà de ce qu'on a vu maintenant."