Tensions entre Israël et l’Iran : le FBI enquête sur une possible fuite de documents classifiés américains

Tensions entre Israël et l’Iran : le FBI enquête sur une possible fuite de documents classifiés américains

Des missiles iraniens en route vers Israël le 1er octobre dernier.  Ammar Awad / REUTERS

Vendredi, deux documents émanant d’agences américaines ont été publiés sur un compte Telegram iranien. Confidentiels, ils évoquent les plans de réplique d’Israël après l’attaque aux missiles de l’Iran contre l’État hébreu.

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«Top secret». Ce sont des documents américains marqués de ces deux mots chargés de mystère qui ont fuité vendredi 18 octobre sur un compte Telegram iranien, «Middle East Spectator», connu pour publier des contenus plutôt favorables au régime des Mollah. L’affaire est sérieuse puisque le FBI, la police fédérale américaine, a annoncé ce mardi avoir ouvert une enquête, rapporte le New York Times. Auparavant, dès dimanche, le média américain Axios puis CNN ont confirmé une fuite de documents hautement classifiés, qualifiés de «profondément préoccupante», par l’une des trois sources sécuritaires citées sous couvert d’anonymat par la chaîne américaine.

Le sujet est d’autant plus délicat que les documents en question, qui émanent de la National Geospatial Intelligence Agency (NGA) et de la National Security Agency (NSA) - deux des 18 agences de renseignements des États-Unis -, décrivent les préparatifs d'Israël en vue de répliquer aux frappes de missiles de l’Iran contre l’État hébreu le 1er octobre dernier. Téhéran, qui souhaitait par cette attaque réagir notamment à l’élimination spectaculaire du chef du Hezbollah au Liban, «en paiera les conséquences», avaient aussitôt promis les autorités israéliennes. Mais, jusqu’à présent, la réponse de Tsahal se fait encore attendre.

«Exercice de grande envergure»

Concrètement, les documents qui ont fuité correspondent à des interprétations d’images satellites américaines de sites israéliens et décrivent en particulier «des exercices de l'armée de l'air israélienne impliquant des missiles air-sol en préparation d'une frappe contre l'Iran», toujours selon CNN, qui évoque aussi des «déplacements de munitions». Axios précise de son côté qu’il s’agissait d’un «exercice de grande envergure» dans le cadre duquel ont été déployés des «avions-espions» (ou drones-espions) en plus de «probables» avions de chasse. 

La BBC va plus loin en révélant le type de munitions évoqué dans les documents : il s’agirait de missiles aérobalistiques israéliens «Golden Horizon» et «Rocks», ces derniers étant capables de frapper à longue portée des cibles «au-dessus et au-dessous du sol». Ces documents indiqueraient ainsi que «l'armée de l'air israélienne envisage de mener une version similaire mais considérablement élargie de son attaque ABLM (’Air-Launched Ballistic Missile’ en anglais) contre un site radar iranien près d'Ispahan en avril [suite à une première attaque de missiles iranienne, NDLR]», précise la radio britannique qui explique que «tirer ces armes à longue portée, loin des frontières de l'Iran, éviterait aux avions de guerre israéliens d'avoir à survoler certains pays de la région comme la Jordanie».

CNN évoque une dernière information - et non des moindres - contenue dans l’un des documents : Israël possède l’arme nucléaire, suggère-t-il. Or, même si cela ne fait de doute pour personne, Israël s’est toujours refusé à reconnaître publiquement cette capacité dissuasive. «Les États-Unis n'ont observé aucune indication montrant qu'Israël envisagerait d'utiliser l'arme nucléaire contre l'Iran», s’empresse d’ajouter la chaîne américaine à l’appui de ce document.  

Ces documents, destinés à être seulement partagés aux alliés américains des «Five Eyes» (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni), constitue «l'une des failles de sécurité les plus graves au sein de la communauté du renseignement américain depuis des années» car «elle révèle des activités d'espionnage sensibles menées par les États-Unis contre l'un de ses plus proches alliés et risque potentiellement de perturber le plan d'Israël visant à riposter contre l'Iran», décrypte le site Axios, le premier à avoir évoqué cette fuite.

«Documents divulgués volontairement ?»

Dans un communiqué cité par le New York Times, le FBI a déclaré qu'il «travaillait en étroite collaboration avec [ses] partenaires du ministère de la Défense et de la communauté du renseignement. Comme il s'agit d'une enquête en cours, nous n'avons aucun autre commentaire». De son côté, le porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby, a déclaré lundi aux journalistes que le président Biden était «profondément préoccupé» par la fuite et qu'il «surveillerait activement les progrès de l'enquête».

Mais «ces documents ont-ils été divulgués volontairement ?», s’interroge la BBC. «Peut-être que oui, par quelqu'un qui voulait faire dérailler les plans d'Israël», suppute la radio britannique, qui précise que la capacité de cyberguerre de l’Iran est «sophistiquée» et qui rappelle en même temps qu’«une partie du retard actuel dans la réponse d'Israël [à l’Iran] est probablement due aux inquiétudes des États-Unis face à une escalade à moins d'un mois de l’élection présidentielle américaine». Le mystère reste donc largement entier.