L’Europe est-elle prête à riposte à payer le prix du protectionnisme de Donald Trump ?

L’Union européenne se retrouve face à une confrontation commerciale sans précédent avec les États-Unis, à la suite de l’annonce par Donald Trump de nouveaux droits de douane qu’il présente sous le label de « Journée de la Libération ». Prévue pour entrer en vigueur le 9 avril 2025, cette mesure prévoit une taxe de 20 % sur toutes les exportations européennes vers les États-Unis. À Bruxelles, cette décision est perçue comme une attaque économique délibérée contre l’industrie européenne. Elle a déclenché une onde de choc dans les capitales européennes, où les dirigeants avertissent d’un risque de guerre commerciale totale, de flambée des prix pour les consommateurs, et de perturbations majeures dans les échanges transatlantiques.

Les enjeux économiques sont colossaux. L’UE et les États-Unis forment ensemble le plus vaste partenariat commercial bilatéral au monde, avec des échanges dépassant 1 300 milliards de dollars par an. Les entreprises européennes, habituées à un accès stable au marché américain, devront désormais affronter une transition brutale.

Le secteur automobile, pilier de l’économie européenne, est le premier touché. Des constructeurs allemands tels que BMW, Mercedes-Benz ou Volkswagen – qui exportent pour près de 50 milliards d’euros de véhicules chaque année vers les États-Unis – verront leur compétitivité s’effondrer du jour au lendemain. Les analystes prévoient une baisse des marges de 15 à 20 %, forçant les entreprises à engager des coupes budgétaires sévères. Les répercussions s’étendront jusqu’en Europe centrale et orientale : des centaines de milliers d’emplois en Slovaquie, en Hongrie et en Pologne sont menacées. Jusqu’à 200 000 postes pourraient disparaître si les tarifs sont maintenus à long terme.

Mais les automobiles ne sont pas les seules victimes. Le secteur agroalimentaire et les produits de luxe européens sont également visés. Les viticulteurs, fromagers et distillateurs français – dont les exportations vers les États-Unis représentent plus de 8 milliards d’euros par an – voient leur avenir s’obscurcir. Les maisons de couture italiennes, elles aussi, risquent de céder du terrain face aux marques américaines, leurs produits devenant soudain bien plus onéreux pour les consommateurs américains. Même les machines-outils allemandes, pourtant moins visibles mais essentielles à l’industrie, souffriront : un commerce de 120 milliards d’euros pourrait s’effondrer face à des acheteurs américains réticents à payer davantage.

La réponse politique ne s’est pas fait attendre. Ursula von der Leyen a dénoncé une « guerre économique déguisée en politique commerciale et promis une riposte « rapide et proportionnée ». Le chancelier allemand Olaf Scholz a averti que ces mesures se retourneraient contre les travailleurs et entreprises américaines, appelant à un sommet d’urgence de l’UE. Le président français Emmanuel Macron, plus frontal, a affirmé que « l’Europe ne se laissera pas intimider » et a proposé de relancer l’idée d’une taxe numérique sur les géants américains du numérique – une proposition ancienne qui pourrait soudainement retrouver un nouveau souffle. La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a, quant à elle, qualifié ces mesures d’attaque contre les fondements mêmes des relations transatlantiques.

La riposte européenne s’articule autour d’un plan en trois volets : maximiser la pression sur Washington tout en limitant les dommages collatéraux. Premier levier : des contre-mesures ciblées sur des produits politiquement sensibles. Le bourbon du Kentucky, symbole ancré dans les États républicains, est un candidat tout désigné. Les motos Harley-Davidson, icône de l’Amérique, pourraient aussi être visées, tout comme les produits agricoles comme le soja, le maïs, les oranges de Floride ou les vins californiens.

Au-delà des représailles tarifaires, l’UE prépare une plainte à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), arguant que le recours aux pouvoirs d’urgence nationale par Trump contrevient aux règles internationales. Parallèlement, Bruxelles cherche à bâtir une coalition avec des partenaires commerciaux clés – Canada, Japon, Corée du Sud – pour isoler les États-Unis sur la scène diplomatique et économique.

Mais c’est peut-être la quête d’autonomie stratégique européenne qui connaîtra la plus forte accélération. Cette crise commerciale ravive l’ambition de « désaméricaniser » les chaînes d’approvisionnement, notamment dans des secteurs stratégiques comme la technologie ou l’énergie. L’Acte européen sur les matières premières critiques, qui vise à réduire la dépendance aux fournisseurs étrangers, pourrait bénéficier d’une relance politique et budgétaire. L’Union pourrait aussi accélérer le développement de son industrie des semi-conducteurs, afin de limiter son exposition aux géants technologiques américains.

Les implications géopolitiques de cette nouvelle fracture transatlantique sont majeures. Une guerre commerciale prolongée risque de fragiliser l’unité occidentale à un moment où elle est cruciale, face notamment à l’agression russe. Certains craignent même un effet domino sur la coopération militaire au sein de l’OTAN. La Chine, quant à elle, observe avec intérêt et pourrait se positionner comme un partenaire économique plus fiable pour l’Europe.

À court terme, l’avenir s’annonce incertain pour les entreprises et les consommateurs européens. La Banque centrale européenne a déjà prévenu que les contre-mesures pourraient ajouter entre 0,5 et 1 % d’inflation supplémentaire. Des multinationales comme Tesla ou Intel, présentes des deux côtés de l’Atlantique, pourraient se retrouver piégées entre réglementations croisées et hausses de coûts.

Mais malgré les sombres prévisions, une certaine résilience émerge des capitales européennes. La conviction grandit que les mesures de Trump nuiront davantage aux États-Unis qu’à l’UE, et que l’Europe dispose de la force économique pour résister. Comme l’a affirmé le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis : « Les États-Unis pensent pouvoir imposer leurs conditions. L’Europe prouvera le contraire. » Reste à voir si cette assurance est fondée. Une chose est néanmoins sûre : l’ère de l’harmonie commerciale transatlantique est bel et bien révolue. Et l’Europe, cette fois, se prépare au combat.

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