«Ce n’est pas une histoire que j’aime trop évoquer», admet à demi-mot Bernard Minier. Invité de Thibaut Gauthier dans Le Figaro La Nuit, le roi du polar est revenu en détail, depuis les souterrains des Carrières des Capuçins dans le XIVe arrondissement de Paris, sur sa carrière, sa vie, ses œuvres.
Au détour d’une question, Bernard Minier est revenu sur un évènement marquant du début de sa carrière, lorsqu’il a sorti son premier roman Glacé, en 2011.
«La dernière fois qu’on a observé Xavier Dupont de Ligonnès , c’est lorsqu’il sort de sa chambre d’hôtel à Roquebrune-sur-Argens , après ça on ne sait pas où il est passé. Il sort de la chambre d’hôtel, il y a une caméra de surveillance et il a à la main mon premier roman Glacé.» Un coup de pub dont se serait bien passé l’écrivain et auquel il ne veut toujours pas être associé.
À l’époque, la police judiciaire de Nantes analyse la moindre piste qui leur permettrait d’élucider le quintuple meurtre survenu à Nantes. En 2011, cinq membres de la famille Dupont de Ligonnès, la mère de famille et ses quatre enfants, sont assassinés et retrouvés sous la maison familiale.
la PJ de Nantes s’interroge alors sur ce roman aperçu au bras du suspect principal, et son rôle dans cette affaire. «Évidemment il n’y en avait pas grâce à Dieu, les crimes commis par ce sinistre personnage ne ressemblent en rien à ce qui a été décrit dans Glacé», évoque Bernard Minier. Une histoire prise très au sérieux par l’auteur, et qu’il «a préféré oublier très vite».
«Comment distinguer le vrai du faux ?»
Pour Bernard Minier, son travail ne doit rester que fiction, et ne pas tendre vers le réel. Deux notions qui ont tendance à s’entremêler, et dont il est question dans son dernier roman, H, paru fin mars 2025 aux éditions XO. «Dans H, il est question de frontière entre la réalité et la fiction quand la fiction est partout. Aujourd’hui la fiction est dans les discours politiques, mais aussi dans les théories complotistes. Comment fait-on pour distinguer le vrai du faux?», s’interroge l’auteur.
À cette question, l’écrivain se conforte dans l’imaginaire, bien qu’il lui soit arrivé de questionner le réel. Pour cela il s’est rapproché des Web Sleuthers, des enquêteurs autodidactes. De l’anglais «sleuth» qui signifie «détective», le Web Sleuther représente une «espèce d’enquêteur du dimanche, qui enfile son costume de détective depuis chez lui». Une aide précieuse pour la police, comme en témoigne l’affaire Luka Rocco Magnotta, élucidée en grande partie grâce à des internautes.
«Ce qui est fascinant c’est que c’est un groupe d’enquête, d’une dizaine ou une centaine d’individus, qui ont eu leur disposition un gisement d’informations unique dans l’histoire de l’humanité: Internet» reconnaît l’écrivain. Une ressource précieuse, dont il est allé en tirer la substantifique moelle pour écrire ses romans.