Une alliance ‘plus létale’ réduira la menace russe, selon le commandant de l’Otan Pierre Vandier

Face à la menace que représente la Russie, l'amiral Pierre Vandier, commandant suprême allié pour la transformation de l'Otan, en appelle à une alliance "plus létale" qui réduira les chances d'agression.

France 24 s'est entretenue avec cet acteur clé de la plus puissant alliance militaire au monde. La stratégie militaire de l'Otan consiste à "défendre et à dissuader", rappelle Pierre Vandier. Aussi, un bloc "plus crédible, plus létale" réduirait mécaniquement "le risque que se produise ce que tout le monde redoute", estime l'amiral.

"La dégradation du climat sécuritaire augmente la probabilité que des choses catastrophiques arrivent", prévient d'emblée l'amiral Pierre Vandier, évoquant notamment la guerre en Ukraine. Il y a dans l'effort de défense aujourd'hui "une notion d'urgence", selon lui. "Pendant 30 ans, on a désinvesti de manière massive dans nos outils de défense européens."

"Réarmer" l'Europe en cinq ans 

La donne internationale doit pousser les Européens à "un effort de réarmement important", poursuit l'amiral, "le plus vite possible et probablement dans un échelon de moins de cinq ans".

Les capitales européennes se sont toutefois longtemps abritées derrière la protection américaine, le principe de la défense collective étant au cœur du traité fondateur de l’Otan. L'article 5 du texte, signé en 1949, stipule en effet que si un pays de l’Otan est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’alliance considérera cet acte comme une attaque dirigée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il jugera nécessaires pour venir en aide au pays attaqué.

Mais le retour de l'imprévisible Donald Trump à la Maison blanche fait désormais douter le Vieux Continent du soutien américain en cas d'agression. "Le temps des illusions est révolu", a lancé mardi 11 mars la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Un "monde un peu dangereux"

En outre, "l'article cinq, pas plus que la dissuasion nucléaire, n'est quelque chose qui, dans l'absolu, résiste à tout", prévient l'amiral Pierre Vandier. "C'est la raison pour laquelle on est dans un monde un peu dangereux et un peu compliqué, c'est qu'effectivement on peut se retrouver dans des cas où ce qu'on pensait fonctionner ne fonctionne pas."

Certains membres actuels de l'Otan étaient "autrefois dans la sphère d'influence soviétique", rappelle Pierre Vandier. Par la "défense collective", l'objectif de l'Otan est "de laisser ces peuples qui ont choisi d'être libres de le rester", poursuit-il. 

"Aujourd'hui, je pense que quand vous êtes Baltes, vous avez envie de rester là où vous êtes aujourd'hui et de ne pas changer, de ne pas vous retrouver dans un sort comparable à celui de l'Ukraine", fait remarquer l'ancien chef d’état-major de la marine française (septembre 2020 - 31 août 2023).

L'Otan "est une alliance politico-militaire [qui] a pour objectif de faire que ses membres se sentent protégés", fait encore valoir Pierre Vandier. Mais cette protection est-elle encore à la hauteur des forces qui menacent l'alliance ? Selon les estimations de CNN, la Russie produit aujourd'hui autant de munitions en un mois que l'ensemble des pays de l'Otan en un an.

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"Il n'est jamais trop tard"

"Les stocks de munitions, le nombre de plateformes, le nombre de soldats... Tout cela a été revu à la baisse de manière très importante", admet le haut gradé, qui reconnait qu'il y a donc "une question d'épaisseur, de crédibilité". "On doit reconstruire un outil industriel, et ça ne se fera pas par un claquement de doigts", prévient-il aussi.

Mais "l'Europe est une puissance industrielle, une puissance d'ingénierie, une puissance technologique", rappelle aussi cet ancien numéro deux de l'armée française. Avant de conclure : "Il n'est jamais trop tard."