«Les places disparaissent en 5 secondes, c’est absolument délirant» : comment le site «Rdv Permis» chamboule le travail des auto-écoles

Le sujet est brulant. Quand on demande aux moniteurs d’auto-écoles si la plateforme Rdv Permis (un site web de type Doctolib, qui permet de réserver des créneaux d’examen pour le permis) fonctionne bien, nous avons droit à plusieurs sons de cloche.

Par exemple, dans une auto-école de Fontenay-sous-Bois un gérant d’auto-école se montre épuisé par le système numérique d’attribution des places au permis de conduire. «À chaque fois que je dois aller dessus, ma montre indique que je fais de la tachycardie», nous confiait-il, «en 5 secondes les places disparaissent, c’est absolument délirant». «Il faut revenir à l’ancien système», râlait franchement le gérant. Au contraire, le dispositif «n’est pas déconnant» juge Patrick Mirouse, présidents des autoécoles Ecf, même s’il admet «que les réformes successives peuvent user beaucoup de confrères».

Car la plateforme Rdv Permis, c’est d’abord l’histoire d’un grand chamboulement. À partir de 2014, des plateformes en ligne (Ornikar, PermiGo, Le Permis Libre...) viennent bousculer le paysage en proposant de dématérialiser les cours de conduite, menaçant le monopole des auto-écoles de proximité.

Une révolution pour les plateformes en ligne

Jusqu’en 2023, ces dernières pouvaient se rassurer, elles bénéficiaient encore d’un puissant avantage comparatif. Les plateformes en ligne ne pouvaient inscrire leurs clients à l’examen qu’en «candidats libres». «Le problème pour nous, c’est que nos clients attendaient jusqu’à un an pour passer leur permis, là où ils pouvaient le passer en quelques semaines dans une autoécole classique», raconte Edouard Rudolf, PDG de l’autoécole en ligne En voiture Simone.

Et paf ! Rdv Permis est arrivé. Désormais, sous le coup de la réforme, les plateformes en ligne ont le droit d’inscrire directement leurs élèves sur le même logiciel (le fameux «Rdv Permis»), que les autoécoles classiques. Et depuis 2023, les mêmes règles s’imposent aux deux secteurs concurrents du marché. En fonction du nombre d’heures dispensées dans l’autoécole, un nombre de places d’examen est accordé.

La réforme a représenté «un gain important» pour les autoécoles en ligne, reconnaît Edouard Rudolf, «nos clients n’ayant plus à parcourir de longue file d’attente en candidat libre». «De notre côté, nous la voyons finalement du bon œil, les autoécoles en ligne nous ont obligées à opérer une nécessaire digitalisation de nos pratiques», explique Patrick Mirouse.

Un rééquilibrage, finalement accepté par les autoécoles classiques

Avant 2020, les places à l’examen du permis étaient (en partie) corrélées au taux de réussite d’une auto-école. Plus l’école de conduite avait de candidats admis à l’examen, plus elles obtenaient de places l’année suivante. Mécaniquement, cela pouvait conforter la puissance des auto-écoles durablement installées, et dont le taux de réussite était stable. «Les autoécoles classiques pouvaient également acheter et revendre. Selon nos demandes de longue date, cette réforme permet de rééquilibrer le marché», commente le PDG d’En voiture Simone. «C’était un système à l’amiable, où les structures s’échangeaient des places d’un mois sur l’autre», tempère Patrick Mirouse.

Rdv Permis ne règle pas le problème du manque de places à l’examen

Les gérants d’auto-écoles

Si les tensions se font parfois ressentir entre plateformes en lignes et autoécoles classiques, un comité de suivi est organisé tous les six mois par la direction de la sécurité routière (DSR) pour faire le point. L’un accusera l’autre de réserver des créneaux avec un robot, l’autre soupçonnera les autoécoles classiques de «faire pression sur la DSR» pour revenir à l’ancien système.

Pour autant, dans toutes batailles il y a un moyen de s’entendre. «Rdv Permis ne règle pas le problème du manque de places à l’examen», nous ont successivement martelées auto-écoles en ligne et de proximité. Balle au centre.