Droits de douane : "Ce n'est pas en taxant les consommateurs que l'industrie deviendra plus verte" déclare le porte-parole de Shein en France

C'est un des symboles de la fast fashion, de ces petits colis qui entrent sur le territoire européen exemptés de droits de douane, des vêtements à tout petits prix en provenance de Chine. Quentin Ruffat est le porte-parole de Shein en France, il répond aux accusations émises à l'encontre de son entreprise.

"Nous avons pris note de l'annonce de la Commission européenne"

Quentin Ruffat, porte-parole de Shein en France

à franceinfo

Franceinfo : Alors en ce moment sur le site internet de Shein, je peux acheter un T-shirt à 6,79 €, une robe à 10,87 €, un pantalon à 12,99 €. Or, aujourd'hui même, la Commission européenne vous soupçonne de pratiques trompeuses sur votre site, de faux rabais, de faux délais d'achats pour pousser à la consommation. Et elle vous donne un mois pour vous mettre en conformité sous peine d'amende. Qu'est-ce que vous répondez ?

Quentin Ruffin : L'objectif de Shein est de proposer une mode abordable, une mode sûre, une mode accessible à l'ensemble de nos clients. C'est par notre modèle unique de production à la demande, que nous proposons à nos clients des prix abordables. Notre volonté est de leur proposer une expérience d'achat en ligne sûre et fiable. Nous avons pris note de l'annonce de la Commission européenne. Nous sommes en échange actif avec les organismes et les autorités de protection du consommateur et la Commission européenne afin de répondre à leurs sollicitations et leur montrer notre engagement à respecter la réglementation en vigueur sur tous les sujets européens.

Et donc cela signifie que ces faux rabais dont on vous accuse, dont vous soupçonne la Commission européenne, vous dites que ce ne sont pas de faux rabais, mais de vraies ristournes.

Notre idée est de communiquer de manière transparente avec la Commission européenne sur ces sujets-là, avec les autorités de protection du consommateur, pour leur montrer que nous respectons nos engagements et les réglementations européennes en vigueur.

La Commission européenne qui par ailleurs veut mettre en place des frais d'envoi sur les petits colis : 2 € par colis, c'était une proposition de la France. Est-ce que c'est une bonne idée à votre avis ?

Entre cette annonce de l'Union européenne sur les frais de gestion et la proposition de loi qui vise à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile, bientôt les consommateurs français paieront jusqu'à 12 € de plus par article. Et je ne pense pas que cette volonté de taxer à tout va les acteurs de l’e-commerce qui sont plébiscités par les Français, plébiscités par les Européens, qui leur permettent d'avoir accès à une mode abordable et une mode accessible pour ceux qui...

C'est votre slogan, "pourquoi la mode ne serait réservée qu'aux riches". On a vu des affiches dans Paris notamment.

La mode ne doit pas être un qu'un privilège, surtout aujourd'hui où 60 % des Français ont un budget maximum de 200€ par an pour l'achat de vêtements neufs.

Oui, sauf qu'il n'y a pas de raison non plus que les colis de moins de 150€ soient exemptés de droits de douane. On peut comprendre qu'on veuille mettre en place des droits de douane aussi sur les petits colis comme on dit.

Le sujet là n'est pas de parler des droits de douane. On parle de frais de gestion, on parle d'ajouter une taxe de 2€ sur les colis, comme cette proposition de loi qui vise à taxer à travers un malus écologique. Mais c'est une taxe qui sera imputée directement à nos consommateurs et qui, à terme, pourra augmenter leurs vêtements de 10€ d'ici 2030.

"Nous ne voulons pas que cette loi n'existe pas. Nous ne voulons pas en sortir. Nous voulons tout simplement qu'elle touche l'ensemble du secteur."

François Ruffat, porte-parole de Shein en France

à franceinfo

Et donc, cela signifie que vous pensez que demain les consommateurs n'achèteront pas des produits en ligne sur le site de Shein s'ils sont plus chers ?

L'enjeu n'est pas de parler de prix. On est sur des enjeux importants comme réduire l'impact environnemental d'une industrie. Ce que je regarde aujourd'hui en ouvrant la presse comme vous, c'est que l'ensemble des acteurs du secteur arrivent, par des actions de représentation d'intérêts, à sortir de la définition de cette loi. On nous accuse à tort souvent d'avoir une stratégie de représentation d'intérêts trop offensive. Je réponds tout simplement que nous, quand nous rencontrons les institutionnels, nous ne voulons pas que cette loi n'existe pas. Nous ne voulons pas en sortir. Nous voulons tout simplement qu'elle touche l'ensemble du secteur, comme son nom l'indique.

Là, vous parlez de la proposition de loi sur la fast fashion qui va arriver au Sénat le 2 juin. On est d'accord ?

Exactement.

Sur l'empreinte environnementale de la fast fashion.

Non. Cette loi s'appelle "réduire l'empreinte environnementale de l'industrie textile".

Donc vous ne pensez pas que c'est une loi anti Shein, anti Temu ?

En l'état c'est une loi anti Shein. Mais à partir du moment où cette loi, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est la rapporteure du texte, Madame Sylvie Valente-Le-Hir, qui dit qu'elle cible spécialement Shein et Temu. En l'occurrence, elle cible spécialement Shein. Shein n'est pas responsable de l'ensemble de l'empreinte écologique de l'industrie textile en France et dans le monde. Pourquoi cette proposition de loi ? Pourquoi cette loi n'est pas élargie à l'ensemble des acteurs du secteur ? Pourquoi vouloir absolument taxer les Français plutôt que de responsabiliser l'industrie ? Nous, nous proposons quelque chose de simple : que cette loi existe, mais qu'elle touche son objectif en touchant, un, l'ensemble des acteurs du secteur...

"Je vous rappelle que la majorité des entreprises françaises se fournissent en Chine"

Quentin Ruffat, porte-parole de Shein en France

à franceinfo

Et notamment européens.

Et européens. Européens et internationaux.

Pas seulement les Chinois ?

Pas seulement les entreprises étrangères. Je vous rappelle que la majorité des entreprises françaises se fournissent en Chine. Deuxièmement, plutôt que de taxer le consommateur, pourquoi ne pas responsabiliser l'ensemble de l'industrie ? Nous, on propose la mise en place d'une feuille de route pour une industrie textile durable qui permettrait de responsabiliser l'industrie. Si l'industrie ne respecte pas ses engagements, la marque en question sera ciblée et devra payer une amende en 2030.

Mais on vous accuse quand même de concurrence déloyale en France. Selon plusieurs estimations, vous êtes aujourd'hui le deuxième plus gros vendeur de vêtements derrière Zara, sachant que vous n'avez pas de magasins physiques. Est-ce que vous vous confirmez qu'aujourd'hui vous êtes le premier, ou le deuxième, parce que j'ai vu plusieurs estimations et vous êtes parfois en première position devant Zara.

La question qui se pose, c'est pourquoi les clients...

Est-ce qu’aujourd'hui, vous vendez plus de vêtements que Zara en France ?

Je n'ai pas les chiffres de Zara et je suis là pour parler de Shein.

Mais vous avez quand même des chiffres.

Ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes la quatrième marque préférée des Français selon Deloitte premièrement. Et deuxièmement, selon une étude Joko, la marque où les Français ont le plus dépensé sur tout ce qui est achats de mode. Et pourquoi les Français viennent chez nous ? Parce qu'il y a un sujet de pouvoir d'achat.

Donc vous avez aujourd'hui un chiffre d'affaires qui est plus important que Zara en France.

Je ne communique pas sur mon chiffre d'affaires. Je ne connais pas le chiffre d'affaires de Zara. Je vous dis juste que plutôt que de parler de notre chiffre d'affaires, c'est pourquoi les Français viennent chez nous, et les Français viennent chez nous parce qu'on leur propose une mode abordable et de qualité. Et quand on voit le pouvoir d'achat actuel des Français et qu'une proposition de loi comme celle-ci va les taxer et les empêcher d'avoir cet accès à la mode, je pense qu'il faut plutôt réfléchir à une responsabilisation de l'industrie plutôt que de cibler Shein.

Et y compris de Shein donc. Quels seraient vos engagements aujourd'hui pour réduire votre empreinte carbone, puisque l'industrie textile, et notamment la fast fashion et ses consommateurs consomment beaucoup sur votre site. Comment est-ce que vous pouvez aujourd'hui assurer aux consommateurs qui nous écoutent que vous réduisez effectivement votre empreinte carbone ?

Nous avons reçu aujourd'hui la validation de notre objectif net zéro pour 2050 par le régulateur SBTI qui montre que nous avons des engagements forts sur la réduction de notre impact écologique.

Un exemple.

Un exemple très simple : du polyester recyclé sur 30 % de notre vêtement d'ici 2030. L'utilisation d'une innovation qui s'appelle l'impression thermique pour délaver les jeans et donc réduire le gaspillage d'eau. L'impression digitale pour les tee-shirts, pour les colorer ou pour mettre des logos afin de réduire à 0 % la quantité d'eau. Shein met en place un ensemble d'innovations et de solutions pour réduire son empreinte écologique. Et ce n'est pas en taxant les consommateurs que l'industrie deviendra plus verte. L'industrie devient plus verte s’il y a un engagement concret, commun et collectif de l'ensemble de l'industrie textile qui est, vous l'avez dit, une industrie qui reste polluante. Et je pense que je vous ai donné des arguments pour vous montrer que nous mettions en place des innovations en ce sens.