La mezzo-soprano Elina Garanca alerte sur les défis à l’heure des réseaux sociaux et du streaming

Au cours de sa longue carrière, la célèbre mezzo-soprano Elina Garanca a pu observer de près les hauts et les bas de l'industrie musicale. Mais ce qui l'a le plus bouleversée, c'est l'avènement des réseaux sociaux, qui rendent tout le monde «impatient». «Aujourd'hui, les apprentis chanteurs sont propulsés avec une exposition maximale sans aucune expérience, ce que je trouve très cruel», explique à l'AFP la chanteuse lyrique lettonne de 48 ans.

Selon elle, «les gens du métier n'y connaissent plus rien, la plupart des chefs d'orchestre ne savent pas quoi faire de nos voix» et personne «ne prend le temps de soutenir les personnes en début de carrière». Elles doivent donc se montrer «très solides mentalement pour protéger leur voix, leur personnalité et leur stabilité émotionnelle», estime la star très réclamée, qui a accordé un entretien au téléphone à l'AFP, samedi, en marge d'un gala à Vienne.

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Voix de mezzo au parcours exceptionnelle, Elina Garanca a rejoint le sommet mondial de l'opéra en reprenant avec succès de nombreux rôles principaux, son interprétation charismatique dans Carmen de Bizet restant une référence. Le New York Times a qualifié la chanteuse, née en 1976 à Riga au sein d'une famille de musiciens, de «meilleure Carmen en 25 ans».

Selon Elina Garanca, les médias numériques réduisent la capacité d'attention des gens, pesant aussi sur la façon d'appréhender la musique classique. Un impact sur la société qu'elle juge «irritant» et qu'elle espère voir s'inverser un jour. «Le monde a changé, aujourd'hui on préfère une série de 45 minutes sur Netflix, pour pouvoir passer à autre chose», plutôt que de regarder un long-métrage, poursuit-elle. «Les gens sont submergés d'informations, alors s'asseoir sans son téléphone et se concentrer pendant une heure et demie constitue un effort énorme, sur le plan émotionnel et intellectuel», déplore-t-elle.

Une planification rigoureuse et un répertoire varié

Elina Garanca estime devoir sa longévité à une «planification rigoureuse à long terme». «Dix ans de Mozart, de baroque et de bel canto, dix ans de répertoire romantique, puis une décennie de répertoire dramatique incluant Wagner, et bien sûr je réfléchis également aux dix années à venir, à ce que je pourrais offrir que je n'ai pas encore chanté,» dit-elle encore.

Refusant d'être cantonnée et «limitée soit au chant de concert, soit à l'opéra», elle a expliqué qu'elle s'assurait de se laisser le temps de développer sa voix, quitte, si nécessaire, à «reporter certains rôles».

Interrogée sur l'avenir, la chanteuse s'estime privilégiée de pouvoir toujours se produire et «n'a pas décidé» encore d'un calendrier pour s'éloigner de la scène, mais elle a commencé à enseigner davantage pour transmettre à la prochaine génération. «Ce n'est pas une question de savoir si je veux (prendre ma retraite) ou non, je devrais le faire à un moment donné. J'essaie juste de trouver la meilleure manière de le faire et le bon moment», explique-t-elle.

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Avant d'admettre sans détour : «Être constamment devant un public, devant des caméras, en live, cela représente une certaine dose de stress. Et à un moment donné, on n'a tout simplement plus envie de supporter cela.»