Marseille : les immeubles d’une cité «fantôme» bientôt rasés, les derniers habitants inquiets pour leur relogement
Le site, jadis «exceptionnel», n’est aujourd’hui plus que l’ombre de lui-même. «C’était un quartier familial. On a grandi là-bas ensemble, on est allés à l’école, on s’est mariés et on a eu des enfants, le tout sans jamais avoir de problèmes», décrivait une septuagénaire au Figaro en mars dernier. «Dès que le trafic de drogue est arrivé, tout le monde a fermé sa porte. Beaucoup de gens sont partis de chez eux en prenant leurs jambes à leur cou et sans même emporter leurs affaires», ajoutait un autre locataire en évoquant ses souvenirs à La Renaude.
Depuis, les années ont passé et la cité s’est vidée de l’essentiel de ses résidents. Seules 18 familles occupent toujours leurs appartements très dégradés et isolés du reste du monde, au cœur des quartiers nord de la ville. Au terme de longues tractations entre la ville de Marseille, le bailleur social Habitat Marseille Provence (HMP) et la préfecture des Bouches-du-Rhône, un accord avait été trouvé en avril pour un relogement digne et «équitable» des dernières familles de cette cité «fantôme» destinée à être démolie en vue de sa reconstruction intégrale. Une «mobilisation interbailleurs exceptionnelle» avait même été mise sur la table.
Mais, fin novembre, plusieurs locataires ont reçu un courrier de leur bailleur leur indiquant qu’ils avaient six mois pour quitter les lieux et qu’ils seraient déchus de tout titre d’occupation en cas de refus de proposition de trois logements. Des propositions difficiles à accepter tant elles ne conviennent parfois pas au cadre de vie attendu. «J’ai eu une première proposition de relogement : un T2 dans le 16e arrondissement. Vivant avec mon fils, ce n’était pas suffisant», souffle Saloua. «On ne demande pas la lune, d’autant que le bailleur s’acquittera de la différence du prix du loyer. Mais en attendant, on est dans l’inconnue. C’est assez inquiétant», souffle la mère de famille.
«Travail saboté»
Un courrier qui a eu le don d’agacer certaines parties très impliquées dans le suivi de ce relogement, soulignant que la tenue d’une réunion «houleuse» en novembre entre tous les acteurs du dossier aurait pu mettre le feu aux poudres. «Tout le travail a été saboté, on est reparti sur un schéma protocolaire, froid, alors qu’on allait traiter les cas de manière plus humaine avec un regard plus affûté», regrette Sami Benfers, conseiller municipal à la ville de Marseille en charge des taxis et de l’économie sociale et solidaire.
«Cette réunion était assez lunaire, alors qu’elle avait simplement pour but de faire le point. Certains ont essayé de la manipuler afin qu’elle se transforme en un face-à-face entre certains locataires et HMP. Cela n’a rien apporté», confirme de son côté Patrick Amico, adjoint au maire de Marseille en charge du logement. La présence d’élus du 13e et 14e arrondissement aurait notamment envenimé les débats, selon plusieurs sources.
«Certains élus font de la politique politicienne afin de reprocher des choses au bailleur. HMP a déjà proposé des appartements à ces personnes et à ce stade cela ne leur convient pas. Il faut continuer de les accompagner», réfute quant à elle Marion Bareille, maire LR des 13e et 14e arrondissements de Marseille.
L’État pour siffler la fin de la partie
Ce nouveau panier de crabes marseillais, s’il ne fait pas plus avancer les choses, révèle que la posture de l’État aurait été nécessaire pour siffler la fin de la partie. D’autant que la mairie et HMP sont alignés sur les mêmes positions. «Plusieurs réunions ont été organisées avec l’ex-préfet à l’égalité des chances, Michaël Sibilleau, avant de prendre la décision de construire de nouveaux logements. On aurait dépensé beaucoup d’argent dans la rénovation et ça n’aurait pas réglé les problèmes de deal. Avec la mairie, nous sommes d’accord pour créer plus de logements», souligne le président d’Habitat Marseille Provence, Patrick Pappalardo.
Ce dernier reconnaît que les solutions de relogement proposées aux habitants sont «peu alléchantes», mais il rappelle que les familles relogées pourront revenir en priorité à La Renaude une fois reconstruite. «Je reconnais que c’est une période difficile pour ces gens et qu’il est très douloureux de partir de chez eux. Mais ce serait encore plus douloureux d’être expulsés de force ailleurs», souligne-t-il en précisant que le parc immobilier de HMP est à flux tendu. «On ne va pas les mettre à la rue. Mais il faut prendre des décisions», affirme-t-il.
«Nous sommes confrontés à quelque chose d’assez habituelle : les propositions de relogement faites par HMP ne conviennent pas aux résidents. Les demandes formulées par certaines personnes sur place sont extrêmement difficiles à résoudre par le bailleur», complète Patrick Amico tout en maintenant que HMP doit trouver aux derniers résidents de La Renaude des solutions «qui correspondent à leurs besoins et leurs moyens».