Budget: les concessions faites à la gauche dans le viseur de la droite

C’est une promesse. Et sans doute une manière de faire oublier les dégâts d’une image abîmée par des divergences internes, sur la censure et la participation au gouvernement.

Avant l’ouverture du débat budgétaire au parlement, lundi, les Républicains veulent se poser en garde-fous de toutes les dérives du projet Lecornu 2, qu’ils jugent sous tutelle de la gauche. L’annonce de la suspension de la réforme des retraites, n’est pas seulement pointée comme une reculade irresponsable. Elle reste, pour la droite, le symbole d’une porte ouverte à tous les renoncements que les macronistes seraient prêts à céder aux socialistes, dans l’espoir de maintenir l’illusion d’une maîtrise des événements.

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La droite a beau souffrir de ses fractures intérieures, elle reste en phase sur les constats. Le pays va mal. Tous les signaux sont au rouge vif. Et si les analyses divergent parfois sur les attentes d’une France de plus en plus sceptique à l’égard de l’exécutif, l’urgence commande d’éviter le pire. Laurent Wauquiez a annoncé la couleur à la tribune de l’Assemblée, dans la foulée de la déclaration de politique générale: «Le sujet n’est pas d’augmenter les impôts, mais de les baisser dans le pays le plus fiscalisé au monde. Le sujet n’est pas d’augmenter la dépense, mais de la baisser dans le pays qui a le record de la dépense publique. Ce n’est pas aux Français qui travaillent, à la France qui a travaillé toute sa vie de faire des efforts. C’est à l’État de faire des efforts en luttant contre la bureaucratie administrative et la dépense improductive».

Ainsi, à entendre le président du groupe Droite Républicaine, le combat s’organisera autour de la baisse de la dépense. «Nous ne laisserons pas la gauche et la France insoumise imposer un budget contraire aux intérêts du pays. Nous investirons le débat budgétaire pour faire valoir nos convictions et nos propositions», a-t-il insisté.

À la tête des Républicains, Bruno Retailleau tient un discours comparable sur le fond, mais le ton est beaucoup plus vindicatif à l’égard du pouvoir macroniste. Quand Laurent Wauquiez gratifie le premier ministre d’avoir «su envoyer des premiers signaux symboliques», en pensant notamment à ses engagements de septembre (Lecornu 1) de mettre fin aux avantages à vie des anciens premiers ministres, Bruno Retailleau rejette d’emblée la copie du gouvernement, jugée irrecevable. «La Droite ne peut pas accepter ce budget», a prévenu le président de LR en fustigeant le contenu du discours du premier ministre, vu comme un concentré de ses motifs de départ du ministère de l’Intérieur. «La vérité, a-t-il blâmé, c’est qu’aucune des exigences que la droite avait formulée à Sébastien Lecornu n’a été respectée. Ni sur le maintien de la réforme des retraites, ni sur le plafonnement des aides sociales à 70% du SMIC pour lutter contre l’assistanat, ni sur les impôts : la matraque fiscale est déjà dégainée puisque sur les 31 milliards de mesures envisagées pour limiter les déficits, 14 milliards sont des prélèvements supplémentaires sur les ménages et les entreprises, soit près de la moitié de l’effort !».

Alertes

Pour Laurent Wauquiez, l’urgence commanderait à la droite «d’agir pour le moindre mal» dans un contexte économique déprimé. «Les Français ne consomment plus, nos entreprises n’investissent plus, nos artisans et commerçants nous disent tous que la situation n’a jamais été aussi difficile», alerte le patron des députés DR, avant de tracer les pistes qu’ils tenteront de défendre dans le débat. En s’appuyant sur l’exemple de sa propre région d’Auvergne-Rhône-Alpes (où les dépenses de fonctionnement auraient baissé de 15%), le parlementaire de la Haute-Loire, esquisse un projet de sérieux budgétaire consistant, par exemple, à «supprimer toutes ces agences qui ne servent à rien et coûtent tant», «arrêter la politique des chèques gouvernementaux», «remettre de la bonne gestion» dans les services publics, engager le pays sur la voie de la simplification administrative... Sans cela, Laurent Wauquiez estime que le pays prendrait le risque d’aggraver son déficit et de se livrer à ses créanciers.

À la lumière du revirement sur les retraites du gouvernement, Bruno Retailleau, lui, ne croit pas que le projet de budget du gouvernement puisse s’extirper des griffes de la gauche. «Désormais, les socialistes pourront imposer leurs choix à loisir. Le bal des chantages a d’ailleurs commencé, puisque Olivier Faure a déjà annoncé vouloir introduire la taxe Zucman  par voie d’amendement. Et ce n’est que le début. N’en doutons pas une seule seconde : ce que la gauche a exigé sur les retraites, elle l’exigera sur tout le reste, y compris pour déconstruire la politique de fermeté que j’ai impulsée sur la lutte contre l’immigration  ou l’entrisme islamiste », alerte l’ex-ministre de l’Intérieur.

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Les députés DR pensent que tout se joue désormais au parlement et Bruno Retailleau promet une lutte parlementaire «pied à pied». Mais le président des Républicains accuse aussi Emmanuel Macron d’installer «un paysage politique aux couleurs de la gauche». À ses yeux, le président de la République reste coupable de vouloir «continuer à tout piloter, tout décider, tout imposer». Il le voit comme le moteur central d’un chaos politique prolongé. Et au-delà du budget, Bruno Retailleau veut mettre en garde les Français face à la dérive politique d’un pouvoir «prêt à lâcher n’importe quoi pour se maintenir à tout prix».

Finalement, l’histoire chahutée des premiers jours du gouvernement Lecornu 2 vue de la droite, exige de revenir aux premières heures de Michel Barnier à Matignon. On se souvient que le Savoyard et les Républicains étaient prêts à bâtir un «socle commun» au nom de l’intérêt général, mais aucun LR ne peut oublier les conditions posées alors au chef de l’État. Après la tempête de la dissolution, avec une Assemblée fragmentée, le nouveau locataire de la rue de Varenne ne voyait pas d’issue sans une définition claire et précise des rôles entre Matignon et l’Élysée. Agacé par les signaux d’une volonté élyséenne de garder la main en coulisses, Michel Barnier avait même mis sa démission sur la table du président de la République. Finalement, la droite de retour avait réussi à imposer une ligne. Qui aurait pu croire, un an plus tard, que six ministres LR se retrouveraient dans un gouvernement annonçant la suspension de la réforme des retraites ?