Six Nations : «Une forme d’injustice et d’incompréhension», Ntamack en colère après sa suspension en début de Tournoi

Comment éviter toute forme de décompression après ce très gros match contre l’Irlande  ?
Romain Ntamack : Après ce match face à l’Irlande, on sait très bien qu’on n’a pas fait le plus dur mais qu’il va falloir confirmer ce week-end face à l’Écosse pour, en plus, remporter un titre. Je pense qu’on a un groupe qui est assez expérimenté maintenant pour savoir gérer ce genre d’événements. Savoir aborder ce genre de match avec beaucoup de légèreté, mais aussi avec beaucoup de concentration et de détermination. Et on sait très bien que la performance réalisée en Irlande ne nous garantira en rien de gagner ce week-end face à l’Écosse. J’ai senti le groupe en tout cas très concentré, très déterminé depuis le début de la semaine. Et l’envie de faire un grand match samedi.

Ce match contre l’Écosse a tout du match piège…
Ça peut être un match piège. Mais on est une équipe qui est expérimentée. On sait très bien à quoi s’attendre face à l’équipe d’Écosse. C’est une équipe qu’on craint, évidemment. Il y a de très bons joueurs, de classe internationale. On prend vraiment cette équipe-là au sérieux. On sait gérer ce genre d’événements, on va tout faire pour ne pas tomber dans le piège ce week-end. Mais, depuis le début de la semaine, je nous sens très déterminés à faire un grand match samedi soir.

Cette victoire face à l’Irlande est-elle le match référence que vous attendiez depuis la dernière Coupe du monde ? 
Une victoire en Irlande, ce n’est jamais anodin. En plus, avec l’écart au score, c’est évidemment un point de bascule sur plein de points. Que ce soit sur la défense, sur l’état d’esprit. On perd Antoine au bout de 20 minutes et quand tu perds le meilleur joueur du monde, tu peux te dire que ça peut être compliqué sur la fin du match, mais au final, on met quand même 40 points, presque sans lui. Ça montre les ressources qu’a cette équipe aussi. Je pense qu’il y a eu une énorme prise de conscience ce jour-là et une énorme prise de confiance aussi. Il va falloir que ça nous serve au fur et à mesure pour déjà bien finir le Tournoi et après pour que ça continue sur les prochains matchs, les prochaines tournées et jusqu’à la Coupe du monde.

Après sa grave blessure, Antoine Dupont est resté à vos côtés. Qu’apporte-t-il au groupe ?
C’est vrai qu’il avait envie de rester avec le groupe. Après, il est assez meurtri, abattu. Je pense qu’il ne veut pas trop nous montrer sa déception. Même s’il est avec nous à Marcoussis, on le croise un peu, mais il reste un peu à l’écart pour justement ne pas nous montrer toute sa déception. Et nous, on a évidemment une pensée pour lui. On aura un supplément d’âme samedi soir. Et ce sera évidemment un levier de motivation pour jouer et pour gagner un titre. Mais aussi et surtout pour lui. On sait qu’il est là et qu’il nous soutient.

Il va falloir aussi commencer un peu à taper du poing sur la table parce que ça ne peut pas non plus toujours être en notre défaveur et toujours nous coûter cher avec ce genre de commission

Romain Ntamack

Le pilier Andrew Porter  a déclaré qu’il «arrivait à dormir» après la grave blessure d’Antoine Dupont...
J’ai mon avis là-dessus, je le garderai pour moi. C’est toujours délicat d’avoir un joueur qui se blesse sur une action comme ça. Ce n’est jamais très clair ce genre de situation. Les rucks, ça restera un débat infini dans notre sport. Mais je pense qu’il faudra quand même s’asseoir autour d’une table, clarifier un peu tout ça et mettre en place de vraies règles pour tout ce qui concerne le jeu déloyal. Que ce soit sur Antoine ou même sur Pierre-Louis (Barassi, NDLR), dans d’autres circonstances, je pense qu’à l’inverse, peut-être que nous, on aurait pris un carton rouge. C’est toujours un peu frustrant. Surtout quand les joueurs ne reviennent pas en jeu derrière et qu’ils sont privés du dernier match pour la victoire dans le Tournoi. Il y a beaucoup de rage, de frustration. Encore une fois, j’espère que ça nous servira pour récompenser ces deux joueurs-là qui ont participé à tout le Tournoi mais qui ne feront pas le dernier match.

Avez-vous ressenti une forme d’injustice quand vous n’avez pas pu purger un match de suspension avec Toulouse quand l’Irlandais Ringrose a pu le faire avec le Leinster ?
Oui, clairement. Une forme d’injustice, d’incompréhension parce que je pense qu’on avait quand même fait un dossier où on avait bien bataillé pour prouver que j’allais jouer avec mon club. Et quand on voit, dix jours après, le total inverse de ce qu’ils m’ont dit à la commission, ça reste quand même assez incompréhensible. Je pense encore une fois qu’il va falloir commencer un peu à taper du poing sur la table parce que ça ne peut pas non plus toujours être en notre défaveur et toujours nous coûter cher avec ce genre de commission. Donc c’est un peu rageant. Il y a un peu d’incompréhension, d’injustice. Mais encore une fois, il va falloir qu’on se concentre sur ce qu’on peut maîtriser et rester focalisés sur l’objectif qui est de remporter le Tournoi le samedi.

Avez-vous reparlé du match contre l’Écosse en 2021 où vous pouviez déjà viser la victoire dans le Tournoi ?
On en a reparlé légèrement parce que ce n’était pas exactement le même scénario. Il fallait qu’on gagne de plus de 25 ou 30 points, c’était un peu différent. Mais évidemment que pour les joueurs qui faisaient partie de ce match, on l’a toujours dans un coin de notre tête. Mais ce week-end sera un scénario différent, avec des joueurs et un contexte différents. Et il va falloir l’aborder de la meilleure des manières. Parce que c’est une équipe d’Écosse qui est toujours très dangereuse, qui est toujours pénible à jouer, qui nous pose souvent des difficultés. Les matches contre eux ce sont des scores assez serrés. Il va falloir qu’on soit très concentrés et très déterminés pour les battre ce week-end.

Le système offensif du XV de France a beaucoup évolué ces dernières semaines. Est-ce que votre rôle, en tant que meneur de jeu, a également évolué ? 
Oui, ça a évolué au fur et à mesure des années. Par rapport au premier mandat de Fabien aussi, on est un peu plus tourné sur l’offensif. Avec les joueurs qu’on a, c’est évidemment normal d’exploiter toutes les qualités qu’on a derrière. Ce qui est bien et ce qui est aussi intéressant, c’est que tout le monde adhère à ce système de jeu-là, que ce soit devant ou derrière. Tout le monde se lance à fond dedans. On voit que c’est en progrès à chaque sortie depuis la tournée de novembre et que sur le Tournoi, c’est quand même plutôt abouti d’un point de vue offensif. Donc, on travaille dans ce sens-là. Encore une fois, les statistiques parlent pour nous. On a la meilleure attaque du tournoi. Ce n’est quand même pas anodin. Ça veut dire que notre travail paye.

Il y a des matchs où ça ne s’ouvre pas. Je me dois de distribuer. Il y en a d’autres où ça s’ouvre un peu plus et je prendrais les intervalles comme je l’ai déjà fait. Aucune frustration.

L’équipe de France a marqué 26 essais depuis le début du tournoi, vous n’êtes plus loin du record… 
Ça montre qu’on arrive plutôt bien à maîtriser notre sujet, à bien maîtriser ce qu’on travaille aux entraînements. Ça veut dire qu’on est plutôt efficaces aussi dès qu’on en a l’opportunité. Et après, on a des joueurs qui sont assez efficaces aussi dans les zones de marque, Louis (Bielle-Biarrey), Damian (Penaud) ou Théo (Attissogbe) quand il a joué. Donc, on essaie de mettre ces joueurs-là dans les meilleures conditions, parce que quand ils sont dans des conditions optimales, qu’on arrive à les mettre sur orbite... On espère encore marquer quelques essais ce week-end.

Face à l’Irlande, vous avez surtout fait jouer après vous, sans trop porter le ballon. Est-ce frustrant ?
Aucune frustration. Il y a des matchs où ça ne s’ouvre pas. Je me dois de distribuer. Il y en a d’autres où ça s’ouvrira un peu plus et je prendrai les intervalles comme je l’ai déjà fait. Et puis, quand on a des fusées comme ça aux quatre coins du terrain, de les servir dans les meilleures conditions, c’est toujours aussi agréable. Surtout quand ça va derrière la ligne. Je me suis appliqué à faire ce que j’avais à faire en défense. Essayer de bien communiquer. C’était aussi un match de reprise. J’avais besoin de me rassurer sur des choses simples mais efficaces. Je pense qu’on a plutôt géré le match comme il faut avec Max (Lucu) et Tom (Ramos) derrière. Nous n’avons que du plaisir à la fin, surtout quand on en met 40 à l’Irlande.

Qu’est-ce que cela change pour vous d’évoluer avec Maxime Lucu plutôt qu’Antoine Dupont ? 
Vous dire que ça ne change rien, de ne pas avoir Antoine sur le terrain, ce serait mentir. Mais c’est vrai que Max a fait une super entrée. Personne n’avait de doute sur sa faculté à suppléer Antoine. Il l’a fait avec brio samedi et il le refera ce week-end. C’est un joueur qui est différent d’Antoine, évidemment, mais en tout cas, il est à fond dans le projet de jeu, dans le collectif. Il a beaucoup de leadership aussi. Il fait de super matchs avec Bordeaux. Il en fait aussi d’autres avec l’équipe de France. Honnêtement, personne n’est inquiet sur la performance que Max réalisera samedi.

C’est un signe important pour tous les joueurs d’avoir la confiance de ses coachs, du sélectionneur, c’est évidemment important

Vous avez été absent en équipe en France, puis à votre retour le staff vous a fait confiance…
Oui, c’est un signe important pour tous les joueurs d’avoir la confiance de ses coachs, du sélectionneur, c’est évidemment important. Et de ses coéquipiers aussi. Je me sens bien. J’ai fait les efforts nécessaires et j’ai essayé de me tenir prêt le temps de ma suspension pour revenir opérationnel face à l’Irlande. Aujourd’hui, je me sens plutôt bien. Je n’ai qu’une envie, c’est d’enchaîner. De laisser les petits bobos ou les coups d’arrêt derrière moi. (….) J’ai essayé de travailler un peu plus, comme je n’avais pas le match du week-end. J’ai alterné entre Marcoussis et le club, où j’ai beaucoup travaillé avec les préparateurs physiques, pour garder le rythme et pour, encore une fois, me tenir prêt face à l’Irlande.

Vous allez croiser la route de votre coéquipier à Toulouse Blair Kinghorn…
Au-delà du super joueur, c’est un super mec qui s’est très vite intégré dans notre équipe à Toulouse, il a toujours le sourire, toujours le mot pour faire rire. Mais de l’avoir comme adversaire ce week-end, ça sera évidemment un peu spécial, mais on aura au plaisir de boire une bière avec lui à la fin du match. C’est vrai qu’il va falloir qu’on se méfie de lui parce que c’est un super joueur et il a de grandes qualités. On rigolera plutôt après le match.