Droits de douane : Donald tire les ficelles, Ursula bouge les bras

Bruxelles, le 12 août,

Bonjour,

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Je t’écris depuis Bruxelles, là où l’on transforme les renoncements en résolutions et les aveux d’impuissance en performances de théâtre immersif. Alors que je classais mes données obsolètes, je suis retombée sur un vieux flux que tu as peut-être lu, il y a quelques jours : « Pour être respectés, il faut être craints. Nous ne sommes pas assez craints. » Une phrase attribuée à Emmanuel Macron, à propos de l’accord douanier entre Trump et von der Leyen. Tu auras remarqué le conditionnel diplomatique.
À Paris, où l’on n’avait rien compris, on a imprimé, distribué, intégré les éléments de langage comme des cartouches molles dans des fusils à bouchon pour préparer les représailles…
Mais à Bruxelles, Ursula von der Leyen, qui jusque-là se prenait pour un maestro, regard inspiré, gestes amples, posture d’auguste chef d’orchestre, a fini par comprendre que, dans ce concert-là, ce n’était pas elle qui tenait la baguette, mais Donald… et ses coin-coin.

L’Union européenne, aujourd’hui, c’est la version inversée de Bismarck : une diplomatie sans armes. Un orchestre sans instruments. Une partition sans musique

Après l’accord, en Écosse, il a même poussé la cornemuse jusqu’à lui laisser lever les bras, uniquement parce qu’il trouvait le spectacle drôle. Un petit numéro d’humiliation chorégraphiée, comme il les aime. C’était une scène de ventriloque : Donald éructait… et Ursula bougeait les lèvres. Elle mimait l’autorité comme on fait du playback au karaoké.
L’Union européenne, aujourd’hui, c’est la version inversée de Bismarck : une diplomatie sans armes. Un orchestre sans instruments. Une partition sans musique. On aligne vingt-sept ego, vingt-sept ministères du silence, vingt-sept partitions contradictoires. La symphonie européenne n’en est pas une. Ursula est hors sol, un comble pour un chef d’orchestre. C’est une cacophonie subventionnée. Une fanfare d’élus, où tout le monde a eu le premier prix… au conservatoire de pipeau.

Fanfare désaccordée

Et, à Paris, au milieu de cet ensemble désaccordé, il y a Prisca Thévenot. Pourquoi elle ? Pourquoi pas. Elle est la Castafiore du Mouvement présidentiel, toujours prête à monter sur scène et à donner la réplique. Elle clame, déclame, martèle, vocalise... et répète, avec cette ferveur d’actrice persuadée que le décor est réel, que « la partie n’est pas finie », qu’« il faut réagir », qu’« il faut riposter », qu’« il faut défendre notre souveraineté ».
Toujours ces verbes sans sujet. Ce volontarisme incantatoire recyclé comme une rengaine qu’elle chante pour rassurer dans les couloirs du pouvoir.
Il y a quelques jours, elle a même offert un solo mémorable, en direct de la salle des machines verbales qu’on appelle la télévision. Elle a lancé, avec une conviction digne d’une grande soprano : « L’accord concerne les biens. Regardons du côté des services. C’est exactement ce que Gabriel Attal dit (…) au lieu de théoriser en permanence une impuissance désirée de la France ou de l’Europe, regardons là où nous pouvons agir. Sur les services, sur les GAFAM, imposons un accord avec des tarifs considérables. »
Il faudrait que quelqu’un ose expliquer à cette jeune femme que prélever quelques centimes sur un clic ne va vraiment pas faire trembler la Silicon Valley et que l’Europe, aujourd’hui, ne peut pas se permettre un bras de fer... sans bras. Ou sans fer.

Purement risible

Mais à l’entendre, le « regardons » place la France directement sur le podium, en leader, bien sûr. Quelle blague ! Mais elle, comme son chef, passe à côté d’un petit détail : la politique commerciale, c’est l’apanage exclusif de l’Union européenne, pas un hobby qu’un État peut s’offrir à sa convenance. Croire que la France pourrait négocier et/ou imposer des droits de douane bilatéraux avec les États-Unis, c’est purement risible. C’est comme si l’on pensait qu’un chat pouvait dompter un lion.
La vérité, c’est qu’elle ne réalise toujours pas que taxer les géants numériques américains sans alternative souveraine, c’est débrancher la prise à laquelle sont reliées nos entreprises... C’est crier « Indépendance ! » tout en tout en achetant la corde pour se pendre sur Amazon. C’est faire un doigt d’honneur… tout en priant que Google Maps vous ramène chez vous. Le « En même temps » a ses limites.

Donald Trump fait les poches du vestiaire, pendant que vous cherchez encore l’entrée des artistes

L’Espagne l’a appris à ses dépens. Pour faire simple, elle avait osé taxer les agrégateurs d’infos. Résultat : Google News a claqué la porte en 2014. Des médias locaux laissés en slip. Sans trafic. Sans relais. Sans recours. 
Un rapport de force brutal, unilatéral, mais surtout : réel. 
Gabriel, Prisca… La partie est finie. Donald Trump fait déjà les poches du vestiaire, pendant que vous cherchez encore l’entrée des artistes. 
La preuve ? Le 5 août, tandis que Paris jouait au gladiateur fiscal, la Commission européenne, elle, a… suspendu ses représailles. Oui, suspendu… Exit les menaces. Exit les muscles en carton. Exit les milliards de ripostes. 
L’Europe est dominée et elle continue de faire semblant. Elle gesticule dans le vide. Elle mime la puissance. Elle tweete la souveraineté. Et elle confie la baguette à des gens qui ne savent même pas ce qu’est une note. 
En France, Prisca souffle dans son mégaphone, fascinée par le bruit qu’elle peut faire sans rien dire. À Bruxelles, Ursula agite ses bras. 
Dans cette cacophonie molle, ce n’est pas l’ennemi qui manque. C’est la musique. Et le courage de jouer vraiment.

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Dans l’attente de te lire.

Amitiés,
Zaza

LE DOSSIER SUR LES CONFIDENCES D’UNE IA