REPORTAGE. "J'ai toujours vécu ici avec des Américains" : marquée par des années de guerre froide, l'ouest de l'Allemagne redoute la fin du lien transatlantique
À trois jours des élections législatives allemandes, une question est au cœur de l'actualité. Alors que l'Amérique de Donald Trump apparaît de moins en moins comme une alliée de l'Europe, comment vivre sans la protection des États-Unis ? Marquée par les années de guerre froide, l'Allemagne voit le parapluie américain se refermer comme un bouleversement majeur. Dans l'ouest du pays, en Rhénanie-Palatinat, Ramstein est le symbole d'un lien transatlantique que beaucoup jugent indéfectible. Cette petite ville, avec sa base aérienne, vit à l'heure américaine entre déni et inquiétude.
Les hymnes, américain et allemand, sont joués chaque soir à 17h : le rite est immuable, à l'exception des jours fériés. "Là, ce sont les pistes d'atterrissage et de décollage, décrit Ralf Hechler, le maire de Ramstein. La grande construction que vous voyez là-bas, c'est la tour de contrôle, et sur la gauche, c'est leur grand centre commercial."
L'US Air Base, une ville dans la ville, avec la garnison de Kaiserslautern et l'hôpital militaire de Landstuhl, accueille la plus grande communauté militaire américaine en dehors des Etats-Unis : 50 000 personnes, dont 18 000 soldats et leurs familles. "Les Etats-Unis sont un gros employeur dans la construction, la rénovation, l'installation de climatiseurs... Beaucoup de gens ont construit des maisons qu'ils louent aux Américains et sur une année, le chiffre d'affaires généré dépasse les 2 milliards de dollars."
"Si les affaires ne marchent plus, on émigrera aux Etats-Unis"
La petite ville pourrait-elle se vider de sa population américaine ? Une issue inconcevable pour cette gérante de restaurant : "J'ai toujours vécu ici, avec beaucoup d'Américains, et je ne peux pas imaginer Ramstein sans eux. Mon compagnon et moi, nous nous sommes dits que si cela tourne mal, si les affaires ne marchent plus, on émigrera aux Etats-Unis."
Wil est américain, ex-médecin militaire, et Bianka est enseignante allemande. Leur couple s'est formé ici, il y a 27 ans : "Ça va prendre 5 à 10 ans, ça ne peut pas se faire vite, surtout en matière militaire, il faut que ce soit organisé. Il y a tellement de gens qui vivent ici. Nous attendons de voir, mais je ne suis pas vraiment inquiète."
Un optimisme que ne partage pas le maire, Ralf Hechler : "Nous ne sommes pas capables de nous défendre nous-mêmes, cela va prendre plusieurs années, et cela représente de l'argent qu'il va falloir investir." Penser sa défense sans les Etats-Unis, une perspective très lointaine pour une population et un personnel politique marqués par 70 ans de présence américaine. L'Allemagne a compté, au plus fort de la guerre froide, près de 250 000 soldats américains sur son sol, et en accueille encore 37 000 aujourd'hui.