Valérie Pécresse veut faire fermer Akha, une application qui signale la présence de contrôleurs RATP

Valérie Pécresse veut faire fermer Akha, une application qui signale la présence de contrôleurs RATP et SNCF

«Frauder c’est voler et la sécurité des transports est notre priorité !», écrit sur X Valérie Pécresse, déterminée à faire fermer l’application Akha. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

La présidente de la région Île-de-France se dit «scandalisée» par ce Waze des transports en commun, qui porte le nom du signal d’alarme des dealers et «vient faciliter la fraude».

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Valérie Pécresse a entamé la semaine avec une faucille à la main. Après sa proposition de supprimer l’Agence de la transition écologique (Ademe) ce lundi matin au micro de France Inter, la présidente de la région Île-de-France s’est montrée déterminée à faire fermer l’application Akha dans un post sur X dans l’après-midi. L’ancienne ministre se dit «scandalisée» par cet outil qui permet à ses utilisateurs de signaler, entre autres, la présence de contrôleurs RATP dans les transports franciliens. «Sans vergogne, écrit-elle, Akha vient faciliter la fraude dans les transports en localisant les contrôleurs et les forces de sécurité. Sans parler de l’aide qu’elle apporte aux délinquants et criminels...» Elle explique avoir mis en demeure le propriétaire de l’application de la fermer sans délai, de même que les magasins d’application Google Play et Apple Store. En parallèle, Île-de-France mobilités (IDFM), l’autorité organisatrice des transports franciliens, va porter plainte. «Frauder c’est voler et la sécurité des transports est notre priorité !», conclut Valérie Pécresse.

Comme le rappelle à juste titre la présidente de région, «akha» (prononcer le «kh» comme le «j» espagnol, proche du «r» français) est une onomatopée couramment employée dans le milieu du deal de drogue pour signaler l’arrivée de forces de l’ordre. Elle signifie «attention» en arabe. «Le nouveau guetteur s’est fait tatouer "22, akha, y a la BAC"», chante ainsi le rappeur Booba dans son morceau AZERTY. Akha est en quelque sorte le Waze des transports en commun et fonctionne avec une carte interactive sur laquelle chaque utilisateur, géolocalisé, peut faire trois types de signalements : les retards, l’insécurité (pour signaler la présence de pickpockets ou de harceleurs par exemple) et un signalement «akha» correspondant à la présence de contrôleurs. Ce troisième type de signalement n’est jamais vraiment explicité ni assumé par le fondateur de l’application, Sid-Ahmed Mekhiche. «On s’est compris», lance-t-il régulièrement avec un sourire en coin sur le compte TikTok de l’application.

«Un problème de mobilité quotidien»

S’il se montre aussi discret, c’est parce que signaler la présence de contrôleurs est interdit par la loi. L’article L2242-10 du Code des transports dispose en effet que «le fait diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, tout message de nature à signaler la présence de contrôleurs [...] est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende». Contacté, Sid-Ahmed Mekhiche n’avait pas encore donné suite à nos sollicitations.

À bientôt 26 ans et basé à Issou dans les Yvelines, il se fait appeler Sidox sur Internet et a obtenu un diplôme en ingénierie du web. Il travaille aujourd’hui comme ingénieur logiciel pour le cabinet de conseil IT Cellenza. Sur le site internet de l’application, il présente Akha comme «une communauté», et «la réponse d’un ancien étudiant, banlieusard, à un problème de mobilité au quotidien». Et de poursuivre : «Depuis des années, le quotidien des utilisateurs des transports en commun en France ne cesse de se dégrader. Chaque jour des vidéos font le buzz sur internet en faisant l’état de rames surbondées, d’agressions et de problèmes en tout genre. En parallèle les coûts ne cessent d’augmenter. C’est dans cette situation d’urgence que le projet AKHA viendra donner une voix à tous ces citoyens qui dépendent de ces réseaux de trains, de métro ou de RER.»

Lancée début 2024 et portée par des événements tels que les Jeux olympiques ou les grèves, l’application a trouvé son public : le jeune ingénieur revendiquait récemment 130.000 utilisateurs, ainsi que la tête du classement des applications les plus populaires sur l’Apple Store devant ChatGPT. Une campagne de financement a été lancée sur la plateforme de crowdfunding Ulule. Près de 1500 euros ont été récoltés à date grâce à 36 contributions, sur un objectif de 3000 euros. Le fondateur aimerait utiliser l’argent pour «croître» et «offrir un produit toujours plus poussé». Si tant est que Valérie Pécresse n’ait pas raison de son projet.