« Ça va ralentir la lutte contre les tricheurs » : pourquoi les États-Unis refusent de verser leur contribution à l’agence mondiale antidopage
Bataille après bataille, la guerre continue entre l’Agence mondiale antidopage (AMA) et les États-Unis, et tout particulièrement le Bureau de la politique nationale de contrôle des drogues (ONDCP). Dernière bisbille, l’ONDCP a décidé de suspendre le versement des 3,6 millions de dollars (3,52 millions d’euros) dus à l’AMA pour 2024, a annoncé l’Agence américaine antidopage (Usada).
En retenant pour l’instant leur contribution à l’AMA, les États-Unis relancent une fois encore le conflit qui les oppose à l’instance siégeant à Montréal. Le premier pays contributeur au budget du gendarme mondial de l’antidopage, qui disposait d’un budget de 52,4 millions de dollars (51,17 millions d’euros) en 2024, met une nouvelle fois le feu aux poudres. Pourquoi ? « C’est un moyen pour le mouvement sportif américain de déstabiliser l’AMA. Si celle-ci est fragilisée financièrement, il est évident que cela va ralentir la lutte contre les tricheurs », s’inquiète l’ancienne ministre des Sports Marie-George Buffet.
Un trop grand laxisme
De son côté, l’Usada précise qu’il s’agit pour elle de « protéger les droits des sportifs ». De fait, elle refuse depuis des années de participer plus que nécessaire au travail de l’AMA, arguant de son trop grand laxisme concernant certains cas de dopage et certains pays.
Évidemment, l’Usada a visé la Russie après les JO d’hiver de Sotchi en 2014, mais depuis c’est la Chine qui est en ligne de mire. L’affaire révélée au printemps 2024 par le New York Times et la chaîne allemande ARD, qui a montré que l’AMA n’aurait pas tout entrepris, en ne commandant pas « un audit indépendant », après le scandale des 23 nageurs chinois contrôlés positifs à la trimétazidine en 2021, mais non sanctionnés, a été la goutte d’eau.
Travis Tygart, le patron de l’antidopage américain, s’étonne même que l’AMA ait pu recevoir 2 millions de dollars (1,9 million d’euros) de fonds excédentaires du gouvernement chinois avant les JO de Tokyo en 2021. Déjà très critique du traitement par l’AMA des affaires de dopage russe révélées en 2015-2016, Travis Tygart accuse depuis des mois l’organisation montréalaise d’avoir donc permis à la Chine « de glisser des cas positifs sous le tapis. »
De son côté l’AMA jure ses grands dieux n’avoir commis aucune faute en acceptant la thèse de la « contamination alimentaire » avancée par les autorités chinoises. Il juge donc le sujet clos depuis qu’un rapport d’un procureur suisse, commandité par l’AMA, a jugé que celle-ci avait travaillé de manière autonome, indépendante et professionnelle.
Pas de réaction des États faisant partie de l’AMA
Attaque, contre-attaque ! Afin de pouvoir continuer sa mission entamée en 1999 à la suite de l’affaire Festina, l’AMA n’est pas en reste lorsqu’il s’agit d’aborder le sujet américain. Le « deux poids deux mesures » en matière de dopage a le don de mettre hors de lui, Witold Banka, le patron polonais de l’agence mondiale. Il rappelle à qui veut l’entendre que ni les ligues professionnelles de basket, de hockey, de football américain et de baseball, ni même le sport universitaire n’appliquent le Code mondial antidopage, et d’ajouter : « L’Usada a enfreint le Code mondial en permettant à plusieurs athlètes qu’elle avait pris en flagrant délit de violation des règles antidopage entre 2011 et 2014 de rester sous couverture et de continuer à concourir sans être poursuivis en échange d’informations sur d’autres contrevenants. »
Face à cette bataille de position, le monde du sport reste coi au grand étonnement de Marie-George Buffet : « Il n’y a pas eu jusqu’à présent de véritable réaction des États faisant partie de l’AMA. Pas beaucoup plus du CIO qui renvoie les deux instances dos à dos. Cette instrumentalisation du sport, cette guerre qui relève de la géopolitique, n’annonce rien de bon. Il va falloir qu’un véritable débat politique s’instaure pour savoir ce que veut dire le sport pour tous. Que veut-on faire du sport ? Une merchandisation ? Et donc le dopage, dans ce cas, fera partie de ce bouleversement. Si c’est le cas, il faut le dire clairement. »
L’ancienne ministre des Sports, qui vient de rencontrer Marie Barsacq, la titulaire actuelle du poste, s’étonne que l’ex-membre du Comité d’organisation des jeux (Cojop) défende la baisse du budget alloué au sport dans notre pays. Encore une mauvaise nouvelle.
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