«Un magistrat ne devrait pas dire ça» : François Rebsamen tacle le rapport de la Cour des comptes sur «Marseille en grand»

Les mots du ministre sont forts et brutaux dans la majestueuse préfecture des Bouches-du-Rhône. Interrogé sur les importantes critiques formulées dans un récent rapport par la Cour des comptes au sujet de la mise en œuvre du plan Marseille en grandFrançois Rebsamen s’en est pris aux magistrats qui composent l’institution. «Un magistrat ne devrait pas dire ça. C’est mon avis personnel», lance-t-il devant les journalistes le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, désormais en charge du suivi de ce plan à cinq milliards d’euros élaboré par le président de la République, Emmanuel Macron, pour développer Marseille.

Trois ans après son lancement en grande pompe, la Cour des comptes déplorait dans son rapport paru en octobre dernier le suivi «indigent » de ce plan qui présente des «insuffisances organisationnelles», qui «pèsent sur sa mise en œuvre.» «Les moyens que l’État a consacrés au suivi du plan ne sont pas à la hauteur des enjeux et peuvent être qualifiés d’indigents», insiste le rapport. Les magistrats de la rue Cambon notaient en particulier la très lente avancée du plan qui comprend de nombreux volets, des transports à la culture en passant par la rénovation des écoles et le logement. Fin 2023, seulement 1,31% du montant total annoncé avait été décaissé par l’État.

«Le rapport est daté, estime François Rebsamen. Même les propos sont datés. Le rapport date de 2023, soit un an et demi après son lancement. Pour faire des transports par exemple, ça ne se fait pas en un claquement de dents !» Selon le ministre, 31% du plan a désormais été mis en œuvre, soit 1,5 milliard d’euros.

La demande de Muselier rejetée

François Rebsamen a tenu à apporter son soutien à l’ancien préfet de région, Christophe Mirmand, récemment nommé directeur de cabinet de Manuel Valls au ministère des Outre-Mer. «Le souvenir qu’a lancé l’ancien préfet n’est pas celui de quelqu’un d’indigent mais, bien au contraire, de quelqu’un qui était motivé et s’est investi à fond.»

Le ministre s’est également montré très sévère envers la demande de Renaud Muselier de flécher 100 millions d’euros du plan Marseille en grand pour sauver le centre-ville de Marseille et éviter le départ des Galeries Lafayette. «Il y a un principe en France, répond François Rebsamen. C’est la liberté du commerce et de l’industrie. Quand un commerce a des problèmes, on ne va pas aujourd’hui mutualiser les pertes ! Il faut bien sûr discuter avec les Galeries Lafayette. Cent millions d’euros pour faire quoi ? On ne va pas donner des subventions à un commerce ! Il faut leur donner des perspectives de travail, de développement.»

«À Lille, les Galeries Lafayette ont quitté le centre-ville, rappelle celui qui a été maire de Dijon de 2015 à 2024. À Dijon, ils ne sont pas partis parce qu’on a trouvé un repreneur. C’est à eux qu’il faut s’adresser, et pas à l’État ! Je ne suis pas opposé, mais ce n’est pas à l’État d’apporter 100 millions d’euros. D’ailleurs, d’où vient ce chiffre de 100 millions d’euros ? Peut-être que demain ça sera 200 ? Ça ne marche pas comme ça !»

«Ces 100 millions, ça ne veut rien dire», s’est agacé lui aussi le maire de Marseille, Benoît Payan. «Cette idée est lunaire, commente-t-on dans son entourage. Ou alors, Renaud Muselier doit nous dire à quels projets il enlève 100 millions !» «Il faut tout faire pour conserver le centre-ville et pour cela il faut mettre tout le monde autour de la table», estime de son côté la présidente de la métropole d’Aix-Marseille, Martine Vassal.

Lors d’une conférence de presse organisée mardi avec le président de la chambre de commerce et d’industrie, Renaud Muselier avait expliqué avoir écrit à François Bayrou pour que le gouvernement apporte une aide financière à la sauvegarde commerciale du centre-ville, fragilisée ces dernières années.