REPORTAGE. "On se retrouve à payer pour que nos maisons soient détruites" : Israël continue de démolir les habitations palestiniennes à Jérusalem-Est
Certains Palestiniens l’appellent “la guerre silencieuse”. Alors que les regards sont tournés vers Gaza, la situation en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est annexé se tend chaque jour un peu plus. Des centaines de maisons palestiniennes sont détruites – rasées aux bulldozers ou explosées devant des habitants aussi impuissants que désespérés. Ces démolitions s’accélèrent depuis le 7 octobre 2023. En 2024, selon les chiffres de l’ONU, 1 617 bâtisses ont été détruites contre 1 175 l’année précédente.
À Silwan, en bordure de la ville de Jérusalem, des maisons sont menacées par une destruction imminente. Depuis plusieurs jours chez les Odeh, on ne parle que de ça. "Regarde, c’est le dernier avertissement avant qu’ils ne viennent détruire l’aile de la maison dans laquelle vit mon frère avec sa famille, montre Quteiba Odeh. C’est un courrier officiel. Là on peut voir le logo de la municipalité de Jérusalem."
"Tu n'as nulle part où aller"
Depuis la réception de ce courrier, la vie de sa famille est en suspens. "C'est difficile. On donne l’impression de vivre normalement mais dans nos cœurs c'est autre chose", raconte la mère de famille, Fayza Odeh, à des proches dans son salon. "Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais ma petite-fille a déplacé sa tirelire chez son autre grand-mère parce qu’elle a peur que les soldats la lui prennent", poursuit-elle.
Le quartier de Silwan se trouve à quelques encablures seulement de la vieille ville de Jérusalem. C'est un endroit stratégique. Israël, qui a annexé Jérusalem-Est en 1980, tente désormais d’en faire partir la population palestinienne. Dans ce seul quartier, 26 maisons ont été détruites l’an dernier, selon Quteiba Odeh qui marche dans le dédale de ruelles. "Quand on te détruit ta maison, tu n’as nulle part où aller. Tout ce que tu peux faire c’est essayer de louer un bien dans le coin", explique-t-il.
"Depuis le 7 octobre, Jérusalem est oubliée. C’est une aubaine pour les forces d’occupation qui en profitent pour faire ce qu’elles veulent."
Quteiba Odeh, habitant de Silwanà franceinfo
Les autorités israéliennes disent détruire des constructions illégales. Les Palestiniens répondent, eux, qu’on ne leur octroie pas de permis de construire. "Non seulement la municipalité détruit les maisons, mais ça ne s’arrête pas là", affirme Quteiba Odeh. "Après cela, ils nous envoient la facture du bulldozer, des soldats, des chiens, tous les frais en lien avec la destruction de la maison. Donc on se retrouve à devoir payer pour que nos maisons soient détruites ! C’est digne de Hollywood ce que nous vivons…", s'emporte le Palestinien. Alors que le gouvernement israélien compte des partisans assumés du Grand Israël, rien ne semble pouvoir arrêter cette frénésie de destructions.