Notre critique de The Insider, de Steven Soderbergh : retour de l’espion à l’anglaise

Il y a un traître. Cinq noms figurent sur la liste des suspects. Problème : sa femme en fait partie. George (Michael Fassbender) en a vu d’autres. Il appartient aux services secrets britanniques. Le couple qu’il forme avec Kathryn (Cate Blanchett) - elle est aussi agent secret - tient la route depuis des années. Ils se sont jurés fidélité et protection mutuelle, une gageure étant donné leur profession.

Après une ouverture dans une discothèque qui rappelle Les Affranchis, George réunit ses collègues pour un dîner indien dans sa maison de Londres. Sa recette consiste à glisser du DZM5 dans le chana masala. Ce sérum de vérité mettra du piquant dans des plats déjà épicés. Le résultat ne se fait pas attendre. Les uns et les autres s’accusent de mensonge et d’adultère. Cela finira par un couteau planté dans la main de son voisin (Tom Burke, parfait sosie de Denis Ménochet).

Un flegme parfaitement britannique

Steven Soderbergh s’attaque au film d’espionnage avec un flegme parfaitement britannique. Dans The Insider, il joue avec les codes, s’amuse avec les références (revoilà Pierce Brosnan en chef des services, ayant troqué le smoking de James Bond contre d’impeccables costumes prince-de-galles : il faut le voir commander un poisson vivant dans un restaurant japonais, mets pourtant interdit au Royaume-Uni). L’avenir de la planète est en jeu. Elle risque d’exploser si des ennemis s’emparent du projet Severus. Ne nous demandez pas ce que cela recouvre au juste, la chose n’a guère d’importance. Elle est là comme le MacGuffin chez Hitchcock. Pour compliquer l’intrigue, un ticket de cinéma a été oublié dans une poubelle. Qui donc connaît le film d’horreur intitulé Dark Shadows ?

Cate Blanchett, impériale, en trench et bottes à talons, part en voyage sans indiquer sa destination à son époux. Pas besoin : il la surveille et découvrira qu’elle va à Zurich. La psychologue de l’agence se penche sur les problèmes de chacun. Les caméras, les satellites sont de la partie. Les Russes sont évidemment dans le collimateur. Il est question d’un compte offshore de 7 millions de livres, somme qui a de quoi allécher les âmes les plus vertueuses.

Menues trahisons

L’intrigue, signée David Koepp, auteur avec Soderbergh du calamiteux Presence sorti le mois dernier, est touffue. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Steven Soderbergh, lui, retombe sur ses pieds. Il fait ça avec maestria, un plaisir contagieux, dans ces lumières chaudes et dorées qu’il utilisait dans Hors d’atteinte. Fassbender, glacial, col roulé et lunettes à épaisses montures, affiche une impassibilité à la Dirk Bogarde, levant à peine un sourcil devant ces coups en douce, ces menues trahisons. Le week-end, il va pêcher en barque sur un lac, fomentant de sombres projets en lançant sa ligne avec un geste de professionnel. Retors, sophistiqué, brillant, The Insider trompe son monde. Quel bonheur d’être ainsi baladé. On imagine une plongée dans l’univers du renseignement, entre le Carré et Slow Horses. Ça n’est pas ça du tout. Au fond, il s’agit d’une histoire d’amour. Il n’y a pas de mal à ça.

L’avis du Figaro : 3/4