Chikirou (LFI) refuse de qualifier la Chine de «dictature» : Glucksmann raille une gauche «fascinée par les régimes totalitaires»

Chikirou (LFI) refuse de qualifier la Chine de «dictature» : Glucksmann raille une gauche «fascinée par les régimes totalitaires»

Le député européen Place publique Raphaël Glucksmann. Benoit Tessier / REUTERS

Dans une interview au Point, l’eurodéputé Place publique juge que la position de La France Insoumise à l’égard de l’Empire du milieu traduit une «incapacité sidérante à faire la différence entre une démocratie et une dictature».

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Il y a décidément bel et bien «deux gauches irréconciliables», comme l’avait théorisé Manuel Valls lorsqu’il était premier ministre. Deux courants qui cultivent leurs différences, assumant des positions antagonistes, notamment sur les grandes questions internationales. Si l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 en Israël, suivie de la riposte militaire de l’État hébreu dans la bande de Gaza, avait déjà mis en lumière les fractures internes à la gauche sur le Proche-Orient, la posture ambiguë de La France insoumise (LFI) à l’égard de la Chine ravive, une nouvelle fois, ces profondes divisions.

Deux semaines après que la députée insoumise Sophia Chikirou a déclaré que l’Empire du milieu «n’était pas une dictature», mais plutôt «un système politique à parti» moins «unique» que «dominant», Raphaël Glucksmann, engagé de longue date pour la défense des Ouïghours, ne mâche pas ses mots. Et assume totalement la confrontation avec le mouvement mélenchoniste. Dans une interview accordée au Point  et publiée ce jeudi, l’eurodéputé Place Publique étrille la ligne de LFI, qu’il accuse de s’inscrire «dans une tradition historique, celle d’une certaine gauche fascinée par les régimes totalitaires» - une allusion limpide à la mansuétude passée de sa famille politique envers les pays de l’ancien bloc de l’Est durant la Guerre froide, malgré les crimes perpétrés au nom du communisme.

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Pour la figure sociale-démocrate, le «clivage fondamental» à gauche réside dans le «rapport à la violence et à la liberté», d’où «découle tout le reste». Fort de cette analyse, Raphaël Glucksmann revient sur la déclaration polémique de Sophia Chikirou, qui avait affirmé que la «liberté d’expression» n’était pas plus menacée en Chine qu’en France. Une comparaison qui a fait bondir le troisième homme des européennes de 2024. À ses yeux, LFI s’adonne à «l’outrance permanente dans la critique de nos nations démocratiques tout en cultivant une nuance obstinée dans l’approche des empires autoritaires», brouillant ainsi «la frontière qui sépare les démocraties des dictatures.» Pis encore, le parti de gauche radicale ferait preuve d’une «incapacité sidérante à faire la différence entre une démocratie et une dictature».

La Chine, bel et bien «une dictature»

Face aux Insoumis qu’il associe aux forces qui «épousent la violence» et «se soumettent à des tyrannies étrangères», Raphaël Glucksmann réaffirme avec force sa ligne par rapport à la Chine. «Ce n’est pas occidentalo-centré d’affirmer qu’un pays qui parque les Ouïgours dans des camps de concentration, enferme des Tibétains, emprisonne tous les dissidents et utilise des esclaves par millions est une dictature», plaide-t-il. Un positionnement cohérent avec son combat politique, lui qui avait fait campagne, au printemps 2024, sur l’indépendance stratégique et numérique de l’Europe vis-à-vis tant de Pékin que de Washington.

Reste que cette charge ne devrait guère bousculer les Insoumis, et encore moins Sophia Chikirou. Trois mois après avoir défrayé la chronique en faisant adopter, par la Commission des affaires européennes à l’Assemblée, un rapport sur les relations entre l’Union européenne (UE) et la Chine - où elle dénonçait l’«alignement» du Vieux continent «sur la politique américaine vis-à-vis de Pékin», tout en valorisant le «système politique chinois» - la députée de Paris a appelé, il y a quelques jours, ses partisans à ne pas «se laisser berner par la campagne médiatique qui utilise la Chine comme nouvel épouvantail pour dénigrer LFI». Même tonalité du côté de Jean-Luc Mélenchon, qui a fustigé cette semaine sur son blog «une campagne de diabolisation de plus» et «très ordinaire».