C’est un message au ton amer que Gershon Baskin a publié ce jeudi sur sa page Substack, quelques heures après l’annonce du cessez-le-feu. L’homme, connu pour avoir joué un rôle clé dans la libération du soldat Gilad Shalit en 2011, y détaille les coulisses d’un an de tractations entre les représentants du Hamas, des émissaires américains et plusieurs services de renseignement israélien.
«Cet accord aurait pu être conclu depuis longtemps», écrit-il. Selon lui, le Hamas avait accepté dès septembre 2024 «exactement les mêmes termes» que ceux signés cette semaine : une trêve immédiate, la libération de tous les otages israéliens contre des prisonniers palestiniens et le retrait des troupes israéliennes des zones habitées. Ce projet, baptisé à l’époque le «Three Weeks Deal», avait été présenté par Baskin aux médiateurs qataris et égyptiens, qui en reconnaissaient la faisabilité. Mais Israël, assure-t-il, avait alors refusé d’y donner suite.
Passer la publicitéL’intermédiaire raconte avoir transmis la proposition au bureau du président américain Joe Biden, via ses conseillers du Proche-Orient. «Bien que la proposition soit arrivée sur le bureau du président, son représentant Brett McGurk a refusé de s’écarter de l’accord défectueux qu’il essayait de promouvoir à l’époque», écrit-il.
«Le premier ministre ne veut pas mettre fin à la guerre»
Le même mois, Baskin est invité à Doha pour présenter le texte aux médiateurs qataris. Ceux-ci lui répondent que «sans adoption américaine du plan, il n’était pas possible d’avancer, car l’obstacle était Israël – pas le Hamas». «Le Hamas était prêt à un accord pour libérer tous les otages, renoncer à son pouvoir à Gaza et mettre fin à la guerre, mais Israël n’était pas prêt», résume-t-il.
«Pour moi, il était clair que la guerre ne se terminerait que lorsque Trump déciderait qu’elle devait se terminer», écrit l’intermédiaire. Dès lors, il concentre ses efforts sur la future administration américaine, convaincu que le président républicain imposerait à Benyamin Netanyahou la fin du conflit.
C’est à Abou Dhabi, en décembre 2024, que Baskin entame un canal de communication officieux avec Steve Witkoff, homme d’affaires new-yorkais proche de Trump. «Nous avons réussi à lui parler, nous avons échangé des cartes de visite et lui avons remis un article que nous avions écrit ensemble – un investissement qui a donné des résultats», raconte-t-il. Pendant des mois, ce canal discret entre le Hamas, les médiateurs qataris et l’entourage de Trump se structure. Le 19 janvier, un accord de cessez-le-feu est signé, permettant à Trump de se vanter d’avoir apporté la paix au Moyen-Orient avant même de revenir au pouvoir le lendemain.
Plusieurs négociations compromises
Le cessez-le-feu devait se dérouler en trois phases. La première prévoyait la libération de 33 otages israéliens contre 1900 détenus palestiniens, le retrait progressif des troupes israéliennes des zones habitées et l’arrivée massive de l’aide humanitaire. Les deuxième et troisième phase visaient à instaurer une trêve durable, avec de nouvelles libérations d’otages et de prisonniers, le retrait total d’Israël et le lancement de la reconstruction. Mais l’accord échoue : l’armée israélienne impose un siège à Gaza et lancé une nouvelle offensive.
Passer la publicitéLe 8 septembre 2025, Baskin affirme qu’une proposition américaine, élaborée «avec les représentants du Hamas», est cette fois transmise officiellement au mouvement islamiste par le premier ministre du Qatar. Mais là encore, la négociation est brutalement interrompue : ce soir-là, une frappe israélienne vise la maison de Khalil al-Hayya, haut responsable du Hamas.
Le groupe armé accuse aussitôt Washington d’avoir donné son aval à l’opération. «Ils étaient convaincus que l’attaque n’aurait pas eu lieu sans l’approbation de Trump», écrit Baskin. Lui-même reçoit, dans la nuit du 10 septembre, un message de Steve Witkoff : «Nous n’avons rien à voir avec cela. Ils (les Israéliens) se sont excusés auprès de nous».
Trump impose sa paix
Dix jours plus tard, Witkoff le rappelle : «Nous avons un plan». Ce sera, quelques mois plus tard, la base du texte signé à Sharm el-Sheikh. «J’ai soutenu le plan américain et proposé des moyens de convaincre le Hamas d’y adhérer», écrit encore Baskin, qui assure avoir été en contact avec plusieurs dirigeants du mouvement à l’extérieur de Gaza. À ses yeux, la clé de la paix n’était plus à Jérusalem, mais à Washington. «Depuis plus d’un an, je croyais que si Trump décidait que la guerre devait se terminer, il l’imposerait à Netanyahou. Et c’est exactement ce qui s’est produit».
Dans sa déclaration, l’intermédiaire reste prudent sur les détails de l’accord signé cette semaine. Il évoque des discussions autour du désarmement progressif du Hamas et de la création d’une nouvelle force de sécurité palestinienne, «peut-être avec un soutien égyptien». «La chose la plus importante, conclut-il, est la déclaration des deux parties selon laquelle la guerre est terminée et ne reprendra pas. Les otages et les prisonniers seront libérés dans les prochains jours, et Israël commencera à se retirer.»