Qu’est-ce que l’Eleona, territoire français à Jérusalem et théâtre d’un incident diplomatique ?

Qu’est-ce que l’Eleona, territoire français à Jérusalem et théâtre d’un incident diplomatique ?

L’église d’Eleona à Jérusalem. Wikimedia Commons - CC

La présence française en Terre sainte remonte au temps des croisades. Depuis le XIXe siècle, plusieurs lieux sacrés de la ville constituent le domaine national de la France à Jérusalem.

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La visite à Jérusalem du ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a été marquée jeudi par un incident diplomatique, quand la police israélienne est entrée «armée» et «sans autorisation», selon le ministre, sur un site géré par la France : l’église d’Eleona, située au sommet du Mont des Oliviers. Jean-Noël Barrot a dénoncé une «situation inacceptable» et refusé de pénétrer dans ce site de pèlerinage, tandis que la police israélienne a arrêté deux gendarmes français sur place, ont constaté des journalistes sur place.

L’Eleona (du grec elaion, «l’oliveraie) est située sur le site où, selon la tradition biblique, Jésus-Christ a appris à ses disciples la prière du Notre Père. Des édifices religieux y ont été édifiés dès le IVe siècle : une église, puis un cloître et un sanctuaire. Le site attire aujourd’hui de nombreux pèlerins.

L’église d’Eleona fait partie de plusieurs possessions françaises à Jérusalem, appelée domaine national français en Terre sainte, et qui sont la propriété de la République française, qui les gère et les administre via le consulat général de France à Jérusalem. En plus d’Eleona, ce domaine regroupe aussi le monastère d’Abou Gosh, une ancienne commanderie hospitalière devenue un monastère, le tombeau des Rois de Judée, et l’église Sainte-Anne où aurait vécu la mère de la Vierge Marie. Sainte-Anne est la plus ancienne possession française à Jérusalem. Les Ottomans ont peu à peu pris possession des anciens États latins d’Orient après leur chute, mais l’église Sainte-Anne fut offerte à Napoléon III par le sultan turc en 1856. L’église d’Eleona, elle, fut acquise par une aristocrate française, Héloïse de la Tour d’Auvergne, en 1856, avant que celle-ci n’en fasse don à sa mort en 1874 à la France.

Deux précédents incidents diplomatiques

C’est à l’église Sainte-Anne que se sont produits deux incidents diplomatiques similaires à celui de ce jeudi. En octobre 1996, alors que Jacques Chirac effectuait sa première visite en Israël en tant que président français, il s’était emporté contre les services de sécurité israéliens qui escortaient sa déambulation dans les rues de Jérusalem, avant d’exiger que des soldats israéliens ayant pris place à l’intérieur de l’église quittent les lieux - ce qu’ils avaient fini par faire. «Je ne veux pas de gens armés en territoire français... J’attendrai !» avait notamment déclaré Jacques Chirac.

En janvier 2020, Emmanuel Macron s’était emporté pour les mêmes raisons face à des policiers israéliens qui bloquaient l’entrée de l’église devant lui.

Si le domaine national de la France à Jérusalem fait partie du territoire israélien depuis la conquête de Jérusalem-Est par les forces armées israéliennes en 1967, il est sous contrôle du consulat général de France à Jérusalem. «Cela signifie qu’un policier ou un soldat en armes d’un autre pays n’a pas le droit d’y rentrer sans l’accord du consulat français», précise Frédéric Encel, docteur en géopolitique et spécialiste du Proche-Orient.