Au Sud-Liban, les habitants chassés des zones détruites pour faire place à une « zone tampon » israélienne
Aita el-Chaab, Houla, Kfar Kila, Rmeich (Liban-Sud), envoyé spécial.
Abbas Jomea, le visage buriné, est assis, encore abasourdi. Il ne lui reste rien. Des parpaings lui servent de siège et d’assise pour une table de fortune. La plateforme en ciment, nue, sur laquelle il se trouve, délimite la base de ce qui a été sa maison. Le rez-de-chaussée était réservé à sa menuiserie ; le premier étage, à l’habitation proprement dite où il vivait avec sa femme et ses enfants. Plus de murs, plus de toit.
Il a récupéré un vieux poêle qui lui permet de brûler du bois. Juste de quoi faire chauffer une théière et un ibrik, ce petit pot en cuivre muni d’une longue poignée, indispensable pour le café. Le paysage alentour est tout aussi lunaire. Plus une habitation n’est debout. C’est un amoncellement de blocs de béton éclatés, de ferrailles qui émergent du sol comme de mauvaises plantes, de matelas brûlés, d’objets usuels défoncés.
« Cette guerre n’en valait pas la peine »
À 54 ans, Abbas ne pensait tout de même pas qu’il en serait réduit à camper sur les ruines de sa propre maison alors que sa famille se trouve à Nabatieh. « Nous sommes partis dès le 8 octobre, comme tout le monde, surtout parce que les enfants ne pouvaient plus aller à l’école », raconte-t-il, évoquant le déclenchement des hostilités entre Israël et le Hezbollah libanais en 2023.
Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre 2024, il n’est revenu que le 18 février pour découvrir l’horreur. « L’armée israélienne est arrivée le 24 septembre et ils ont fait sauter toutes les maisons. Il ne reste plus rien. Tout est détruit, tout est en ruine. » L’abattement fait place à la colère. « J’en veux aux Israéliens. On n’avait rien à voir avec la guerre, mais ils ont tapé tout le monde, de manière indiscriminée, partout. »