La nouvelle instance de contrôle du nucléaire en France devrait autoriser bientôt la montée en puissance de l’EPR

Deux mois après sa nomination officielle à la tête de la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), Pierre-Marie Abadie est entré dans le vif du sujet mardi 28 janvier. Il a indiqué que le plus puissant réacteur nucléaire du pays, le fameux EPR situé à la centrale de Flamanville (Manche), allait bientôt pouvoir monter en puissance dans les semaines qui viennent. Le réacteur est encore en phase d’essais et plusieurs autorisations sont encore nécessaires notamment « pour augmenter sa puissance au-dessus de 25 % et plus tard au-dessus de 80 % » a précisé Pierre-Marie Abadie.

« La semaine dernière EDF nous a transmis son dossier » (pour franchir le premier seuil), a précisé Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASNR. Dès la première semaine de février, le premier palier de puissance de 25 % pourrait être franchi, si l’ASNR donne son aval. Car même s’il y a eu près de 50 incidents notifiés par EDF l’an dernier depuis la mise en service du réacteur en septembre 2024, ces événements sont habituels dans « la phase de démarrage », précise le directeur général adjoint. Des problèmes sans gravité, liés surtout aux « facteurs humains », ajoute-t-il. Il faudra toutefois changer « le couvercle du réacteur en 2026 » à cause d’anomalies de fabrication, a rappelé le patron de l’ASNR.

La nouvelle autorité est chargée de la surveillance de toutes les installations du nucléaire civil en France, d’autoriser l’allongement de la durée de vie des réacteurs, mais également d’assurer la surveillance de l’environnement, des personnels du nucléaire et, bien sûr, de la population générale aux risques radioactifs. Ce service de l’État a également hérité de certaines responsabilités en matière de recherche nucléaire et de radioprotection.

« Une structure plus forte et plus indépendante »,

Pierre-Marie Abadie, le patron de l’ASNR.

Car le nouvel organisme, né du mariage entre l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) et de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), a donné naissance à « une structure plus forte et plus indépendante », assure Pierre-Marie Abadie, qui a le statut de « chef de service » à l’ASNR. Cette nouvelle instance est devenue un service de l’État, mais doit rester indépendante du pouvoir. L’ASNR compte désormais 2000 salariés, soit une baisse de 10 % des effectifs en raison du transfert au CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) des activités de contrôle des installations nucléaires de défense et la cession des dosimètres passifs. Parallèlement à la fusion, les salariés de l’ex-ASN ont reçu une prime et ceux de l’ancienne IRSN ont obtenu une augmentation de salaire d’un peu plus de 8 %.

Il reste que l’autorité est désormais opérationnelle. Un seul centre de crise - pour surveiller des événements qui peuvent avoir des répercussions sur la radioactivité en France est conservé à Fontenay-aux-Roses (ancien siège de l’IRSN) et « plusieurs exercices de crise y ont été conduits fin 2024 », ajoute le nouveau patron. Pour 2025, les principaux travaux de l’ASNR seront consacrés à fournir un avis générique sur l’allongement de dix ans de la durée de vie des réacteurs de 1300 Mégawatts (la génération avant celle de l’EPR), pour la porter à plus de quarante ans. Par ailleurs, l’ASNR attend un dossier sur « des objectifs de sûreté » pour la création d’une nouvelle piscine d’entreposage des combustibles irradiés, commune à EDF et à Orano (qui retraite notamment les combustibles usagés à La Hague). Et le projet de construction d’une nouvelle usine pour la production de combustibles dits Mox (qui utilise de l’uranium recyclé) devrait être étudié cette année.

Délai variable pour la publication des avis

Par ailleurs, il y a une semaine, le règlement intérieur de l’ASNR a été approuvé. Il y est précisé qu’un avis d’expertise est publié « au plus tard » avant l’annonce de chaque décision. En revanche, des expertises simples peuvent être gardées confidentielles « pendant six mois, trois ans ou plus », souligne François Jeffroy, délégué de la CFDT à l’ASNR. Des députés et sénateurs avaient fait le même constat, lors de l’audition de Pierre-Marie Abadie, le 16 janvier dernier, lors de son audition par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Mais ce dernier a expliqué aux parlementaires qu’il voulait éviter d’être « contraint » par un règlement intérieur trop strict qui fixerait une échéance pour la publication de toutes les études.

Par souci de déontologie, le patron de l’ASNR a décidé de se déporter, pendant les six années de son mandat, de toutes les décisions qui concernent l’Andra (agence de gestion des déchets radioactifs qui pilote notamment le projet Cigéo), qu’il présidait auparavant. Sur ce dossier, « je ne signe pas, je ne participe pas aux décisions du collège, ni à la rédaction des communiqués de presse, que je découvre après publication, comme tout le monde », a-t-il affirmé.