Alors que l’explosion des arrêts maladie est pointée du doigt par le gouvernement, voilà une étude qui devrait leur donner du grain à moudre. Publié ce mardi par le cabinet de conseil WTW, ce baromètre - réalisé sur la base de l’analyse de 2000 entreprises représentant 430.000 salariés - met en lumière la hausse continue de l’absentéisme en France. En 2023, il s’élevait à 4,96%. En 2024, il a atteint 5,09%. Soit une progression de 3% en un an. Le niveau se rapproche ainsi de celui observé en 2020, en pleine crise du Covid, confirmant un changement durable des comportements vis-à-vis de l’arrêt maladie.
Derrière cette hausse se cachent deux tendances. D’une part, l’augmentation de la part de salariés concernés : 35% d’entre eux ont eu recours à au moins un arrêt en 2024, contre moins d’un sur trois l’année précédente. Ensuite, la durée des absences continue de s’allonger. La moyenne atteint 24,1 jours, contre 23,3 jours en 2023. Cette évolution reflète la hausse du nombre d’arrêts longs, non compensée par la baisse des arrêts courts. Les risques psychosociaux – burn-out en tête – sont par ailleurs la première cause de cette envolée. Ils représentent 36% des arrêts longs en 2024, contre 32% un an plus tôt.
Passer la publicitéCette montée de l’absentéisme se traduit directement dans les comptes des employeurs. WTW estime à près de 120 milliards d’euros par an le coût total pour les entreprises françaises, en additionnant pertes de productivité, désorganisation interne et maintien de salaire. Une facture qui risque d’augmenter avec la réforme d’avril 2025 plafonnant les indemnités journalières de la Sécurité sociale, mais aussi avec la possibilité pour les salariés - rappelée récemment par la Commission européenne - de reporter leurs congés payés lorsqu’ils tombent malades.
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Les jeunes s’arrêtent plus souvent, les seniors plus longtemps
L’étude du cabinet WTW met aussi en lumière des disparités fortes parmi la population. Les femmes affichent un taux d’absentéisme de 6,1%, contre 4,5% pour les hommes. Les jeunes salariés (20-30 ans) sont ceux qui s’arrêtent le plus souvent, la plupart du temps pour des motifs psychologiques, tandis que les seniors cumulent les arrêts les plus longs (jusqu’à 44 jours en moyenne pour les 60-70 ans). Les ouvriers restent la catégorie la plus concernée (7,4%), devant les employés (6,8%). Les cadres, malgré un taux d’absentéisme plus faible (2,4%), enregistrent la plus forte hausse en 2024, en partie à cause d’arrêts plus longs.
Face à ce phénomène, les entreprises multiplient les initiatives : politiques de prévention en matière de sécurité, formation des managers à la détection du burn-out, etc. Certaines stratégies commencent à porter leurs fruits. Dans le secteur de la construction, par exemple, une politique active de prévention a permis de faire baisser le taux d’absentéisme à 4,2% en 2024, malgré la dangerosité des métiers.
La publication de ce baromètre intervient en tout cas dans un contexte politique chargé. Depuis ce lundi, environ 500 médecins généralistes jugés trop généreux en arrêts maladie ont été placés sous surveillance par l’Assurance maladie, contraints de réduire leurs prescriptions de 20 à 30% pendant six mois. Cette opération s’inscrit dans un tour de vis plus large engagé par le gouvernement : à la mi-juillet, François Bayrou avait déjà promis de «mettre fin à une dérive des arrêts maladie», pointant du doigt le poids croissant des indemnités journalières, qui ont atteint 17 milliards d’euros en 2023 selon la Sécurité sociale.