Royaume-Uni : l’heure du jugement pour le meurtrier au couteau de trois fillettes à Southport

Correspondant à Londres  

Le drame a horrifié le Royaume-Uni et déclenché la vague d’émeutes anti-migrants de l’été dernier. Le meurtrier de trois fillettes à Southport, dans le nord-ouest de l’Angleterre, va être fixé aujourd’hui sur sa peine. Mais au-delà de la sentence, l’affaire continue à faire de sérieux remous politiques, l’opinion et l’opposition estimant que le gouvernement a traîné des pieds pour informer sur le profil de l’assaillant, d’origine étrangère.

Le 29 juillet, Axel Rudakubana avait attaqué au couteau trois petites filles de 6, 7 et 9 ans lors d’un cours de danse. Dix autres personnes avaient été blessées dans l’attaque, dont huit enfants. Âgé de 18 ans et d’origine rwandaise, Rudakubana a plaidé coupable à l’ouverture de son procès lundi. La lourdeur de la peine est donc assurée.

Lors des émeutes qui avaient suivi et duré plusieurs jours, des hôtels hébergeant des demandeurs d’asile et des mosquées avaient été pris pour cible. Keir Starmer, élu quelques jours auparavant, avait promis la plus grande fermeté et à ce jour, plus de 410 personnes ont été condamnées, dont plus de 360 à de la prison ferme.

L’onde de choc politique reste forte. Tant l’opposition conservatrice que le parti anti-migrants Reform UK de Nigel Farage demandent des comptes au gouvernement. Ils veulent savoir pourquoi les autorités ont gardé pendant des mois le « silence » sur le profil de l’attaquant. Lundi, le premier ministre a répondu qu’il s’agissait de ne pas gêner l’enquête, une explication un peu courte pour nombre de Britanniques. Officieusement, des sources ont confié qu’il s’agissait de ne pas mettre de l’huile sur le feu, alors que le pays s’était embrasé.

Très rapidement, des rumeurs avaient couru sur Internet que le meurtrier était un migrant récemment arrivé par bateau dans le pays et qu’il pouvait avoir des motivations islamistes. Les autorités avaient sévèrement poursuivi les « agitateurs d’extrême-droite » diffusant ces « fausses informations ». Pour se trouver aujourd’hui en difficulté. Car le meurtrier est certes né au Pays de Galles mais il est bien d’origine étrangère et il flirtait avec le djihadisme. La police a retrouvé chez lui un manuel d’entraînement d’al-Qaida et un poison très toxique, de la ricine. L’affaire n’est toutefois pas traitée comme « terroriste ».

Enquête publique

Comme dans l’affaire des « grooming gangs »ces gangs de violeurs pakistanais qui ont fait des milliers de victimes parmi des jeunes filles anglaises durant une décennie, Keir Starmer se voit accusé de mettre le couvercle sur des crimes dont les auteurs sont issus de minorités. Sous pression, le premier ministre a pris la parole lundi, préférant porter le débat sur la nature de la menace. Il a estimé que le pays était confronté à une « nouvelle forme de terrorisme », le danger passant de groupes terroristes organisés à des « loups solitaires ». Une nouveauté très relative, ce type d’individus radicalisés sévissant depuis longtemps dans moult pays d’Europe. Starmer a aussi affirmé qu’il était prêt à changer les lois antiterroristes.

Keir Starmer a reconnu des «défaillances» et la ministre de l’Intérieur Yvette Cooper a annoncé l’ouverture d’une enquête publique pour examiner les manquements des services de l’État dans la prévention des meurtres de Southport. D’ores et déjà, on sait que le meurtrier était bien connu des services sociaux et de police pour sa violence qui lui avait fait quitter le système scolaire. Il avait été signalé à trois reprises à Prevent, un programme de prévention de l’extrémisme. Mais à chaque fois, on avait jugé qu’il ne remplissait pas les critères. Le tabloïd The Sun titre en Une : « Pourquoi personne ne l’a-t-il arrêté ? »

Le gouvernement va devoir redoubler d’efforts pour restaurer la confiance. Un sondage YouGov publié hier montre que 61% des Britanniques n’ont pas confiance dans la capacité des autorités à contrer de nouvelles attaques comme celles de Southport. Et une étude du même institut indique que plus de trois quarts des Britanniques sont favorables à une enquête nationale sur le scandale des « grooming gangs », que refuse pour l’heure Keir Starmer.