« À l’entrée de son bureau, il y avait une sorte de sas, pour qu’on ne le dérange pas pendant ses tripotages » : le témoignage inédit d’un ancien élève de Bétharram qui accuse un ancien directeur de l’institution
À 74 ans, Michel fait partie de ces victimes de l’institution Notre-Dame de Bétharram à qui le scandale récent a donné la force de parler. Soixante-cinq ans après. « Parce que, dit-il, la peur a enfin changé de camp. » Son premier récit des violences subies durant six années au sein de l’établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques, entre l’âge de 10 et 16 ans, soit entre 1960 et 1966, il l’a d’abord livré, il y a deux semaines, à la gendarmerie située à dix minutes de chez lui, dans l’Hérault.
La plainte, que nous avons pu consulter, est venue grossir les 112 procédures enregistrées au 31 janvier dernier par le parquet de Pau. Un total qui dépasse désormais les « 140 plaintes », selon Alain Esquerre, le porte-parole du collectif de victimes, « dont 70 de nature sexuelle ».
Michel n’a rien dit à ses frères, qui étaient aussi à Bétharram
Le second récit de Michel, c’est à l’Humanité qu’il le livre, durant plus d’une heure et demie. « Je vous parle là, parce que ma femme dort dans la pièce d’à côté. Je ne lui ai jamais rien dit de tout cela, ni à aucun de mes proches. Même à mes frères, qui étaient aussi à Bétharram en même temps que moi… » Pour Michel comme pour beaucoup d’autres, les violences perpétrées dans l’institution pour imposer le silence – dans le quotidien de l’école comme vis-à-vis de l’extérieur – ont fonctionné à plein. Jusqu’aux révélations récentes, qui ont libéré sa parole, sans toutefois le décider à parler à visage découvert, ni avec son vrai nom – Michel est un prénom d’emprunt.