Baisses d’impôts «non financées», «perte de contrôle» des dépenses... La France «au pied du mur», s’alarme la Cour des comptes

La Cour des comptes le dit. Cette fois, la France est « au pied du mur ». Quelques jours après que le gouvernement Bayrou est - enfin - parvenu à faire passer le budget pour l’année en cours, le gardien des comptes alerte sur l’état des finances publiques françaises loin, bien loin, d’être tirées d’affaires. « Le dérapage du déficit public depuis deux ans » a conduit à « plus que doubler, de 50 à 110 milliards, l’effort d’ajustement nécessaire pour ramener le déficit sous le seuil de 3 % du PIB », constate un document concernant la situation des finances publiques publié ce jeudi par la Cour des comptes.

En effet, « pour la deuxième année consécutive (...), le déficit public s’est nettement dégradé en 2024, d’environ 20 milliards, pour atteindre près de 175 milliards d’euros, soit 6 % du PIB ». Ce plongeon budgétaire « ramène la France à un niveau de déficit proche de celui enregistré en 2021, en sortie de crise sanitaire, et retarde encore la perspective d’un retour de ce dernier sous le seuil de 3 % du PIB ». Pour rappel, les 3 % de déficit sont un seuil européen, et qui permet de stabiliser le ratio de dette par rapport au PIB.

«Particulièrement inquiétant»

La Cour avait déjà alerté les responsables politiques dans un rapport publié en juillet 2024. « La Cour soulignait que 2023 avait été une très mauvaise année, avec un creusement du déficit à 5,5 points du PIB, soit 0,7 point de plus qu’en 2022 ». Plus encore, « elle signalait des risques » sur les dépenses des collectivités territoriales et sur certaines recettes. Quelques mois plus tard, l’institution constate que « ces risques se sont matérialisés », en dépit des avertissements.

Dès lors, pourquoi les comptes ont-ils autant dérapé ces deux dernières années ? Si l’on en croit le nouveau rapport de la Cour la situation est due à des choix politiques. Ce dérapage est à mettre sur le compte de la mise en place, jusqu’en 2023, de baisses d’impôts « non financées » et de « l’absence d’économies structurelles sur le cœur de la dépense publique ». À ce titre, tacle la Cour, il est « particulièrement inquiétant de constater qu’en 2024 la dépense publique ordinaire a augmenté plus rapidement que n’ont reflué les mesures de soutien ».

En clair, le document fustige la procrastination du gouvernement sur le sujet des économies ou « le report à un moyen terme hypothétique des ajustements nécessaires ». Par ailleurs, les experts reprochent au gouvernement des « hypothèses de croissance optimistes qu’il a fallu plusieurs fois réviser à la baisse ». Tous ces facteurs combinés se sont traduits, selon le gendarme des comptes, par rien de moins qu’une « perte de contrôle de la dépense publique ».

La Cour martèle alors que « l’année 2025 est déterminante pour enfin amorcer une trajectoire de redressement des finances publiques ». Plus encore, « restaurer la crédibilité des engagements de la France en matière de finances publiques » est devenu tout simplement une « urgence absolue », s’époumone la Cour des comptes. Il est « crucial » que le gouvernement parvienne cette année à respecter sa cible de déficit fixée à 5,4 %, « sous peine de voir la France durablement décrocher de ses partenaires européens ».

La tâche s’annonce d’autant plus ardue que le budget tout juste adopté présente des « faiblesses », selon le rapport. La réduction du déficit prévue dans le texte repose « exclusivement sur des hausses de prélèvements obligatoires » qui, de surcroît, sont présentées comme temporaires. « Ce qui reporte sur les années suivantes l’effort structurel de redressement des finances publiques », insiste la Cour. En parallèle, elle pointe le fait que le budget prévoit une dépense publique continuant « de progresser à un rythme proche de sa tendance avant crise ». Bref, les économies se font encore et toujours attendre.