Des manifestations suivies, des heurts, des violences et des dégradations en marge de cortèges à Rennes, Paris ou Lyon, l’effet dissuasif d’importantes forces de l’ordre… La journée de protestation du 18 septembre, une semaine après le bilan en demi-teinte de l’opération Bloquons tout, a ressemblé aux manifestations observées ces dernières années. Selon les chiffres du ministre de l’Intérieur, on a compté dans la France entière plus de 500.000 manifestants (au moins 1 000.000 selon la CGT). Un chiffre inférieur aux prédictions de la place Beauvau (600.000 à 900.000 manifestants) et très largement supérieur aux 175.000 à 250.000 personnes recensées le 10 septembre. À Paris, quelque 55.000 manifestants ont défilé (50.000 à 100.000 prévus par le ministère). Un premier bilan en début de soirée faisait état de 181 personnes interpellées, dont 31 à Paris, avec 75 gardes à vue. 11 policiers avaient été blessés.
Le 17 septembre, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avait précisé s’attendre à « une mobilisation très très forte » et s’inquiétait de l’intervention possible de « 5000 à 10.000 » casseurs et éléments radicaux animés par la haine antiflics. Comme le 10 septembre, 80.000 à 100.000 policiers et gendarmes ont été mobilisés. Ainsi que 24 véhicules blindés d’intervention Centaure de la gendarmerie nationale et dix camions à eau.
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Passer la publicitéDes tensions étaient attendues dès le début de la journée dans la continuité de « Bloquons tout ». Elles ont été « moins intenses que prévu » a précisé en fin de matinée Bruno Retailleau à l’issue d’une réunion de la cellule interministérielle de crise. avec 230 actions, 95 tentatives de blocages et quelque 10.000 personnes mobilisées. À Paris et en petite couronne, on recensait 15 interpellations en milieu de journée contre 183 une semaine plus tôt. Les objectifs des bloqueurs étaient classiques : dépôts de bus, lycées, axes de circulation et bretelles routières. Une seule tentative de sabotage, visant un réseau d’eau potable en Martinique, a été à déplorer. Le prépositionnement des forces de l’ordre, qui sont intervenues très en amont, a visiblement été efficace.
Mais les manifestations un peu partout en France constituaient le grand rendez-vous de la journée. Des cortèges ont été organisés dans de très nombreuses villes petites, grandes et moyennes, les chiffres annoncés étant comme d’habitude différents selon les autorités ou les organisateurs : Bastia et Ajaccio (1200 à 2500 personnes), Lyon (14.000 à 20.000), Grenoble (9500 à 15.000), Perpignan (2800 à 8000) ou encore Marseille (15.000 à 120.000 manifestants) avec quelques échauffourées dans la matinée. Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a évoqué « 260 manifestations dans toute la France ».
Prises de paroles de syndicalistes
Rennes (20.000 manifestants selon les syndicats, 11.500 selon la préfecture) a vu se dérouler les premiers affrontements. Le cortège a été bloqué peu après 15 heures après des jets de projectiles contre les forces de l’ordre et des tirs de gaz lacrymogènes. La gare a été brièvement fermée. 17 interpellations ont été effectuées avec trois gardes à vue. Des heurts ont également été observés à Toulouse ou à Nantes. À Lyon, un journaliste de France TV et deux policiers ont été blessés. Sans grande surprise, une bonne partie des violences ont eu lieu dans les villes où l’ultragauche est bien implantée.
Avec Lecornu on a un gendarme à Matignon et il va y avoir une multiplication par deux du budget militaire
Un syndicaliste de la CGT
À Paris, le gros du cortège a défilé dans une ambiance festive. En amont de la manifestation, un regroupement avait été organisé gare du Nord où se tenait une assemblée générale du syndicat SUD-rail. Il y a une semaine, un bon millier de participants avaient tenté de pénétrer dans la gare. En présence de forces de l’ordre positionnées aux entrées, les prises de paroles de syndicalistes se sont enchaînées dans le calme devant une foule, drapeaux palestiniens flottant au-dessus des têtes. Les slogans demandaient pêle-mêle la démission d’Emmanuel Macron, la fin du génocide à Gaza et le refus de la guerre. « Avec Lecornu on a un gendarme à Matignon et il va y avoir une multiplication par deux du budget militaire », a lancé un syndicaliste de la CGT, salarié à l’hôpital Tenon, « on préfère les aides à domicile aux missiles ». La dispersion s’est faite dans le calme.
En fin de matinée, cette fois du côté de la gare de Lyon, un groupe de syndicalistes a pris la direction du ministère de l’Économie et des Finances. Ils ont pénétré dans la cour puis sont ressortis spontanément au bout de quelques minutes sans aucune dégradation.
Passer la publicitéInterventions sporadiques des casseurs
Quelques heures plus tard, c’était le bain de foule sous le soleil avant que le défilé s’ébranle. Aux alentours, des magasins avaient tiré le rideau, d’autres non. « Depuis hier, les policiers sont venus plusieurs fois me voir pour me conseiller de fermer. Ce que je ne ferai pas », déclarait le responsable d’un café qui, sur le parcours, tournait à plein régime. Comme le 10 septembre, les raisons de la colère sont multiples. Dans les revendications, tout se mêle : la guerre à Gaza, la hausse des salaires réclamée, la démission d’Emmanuel Macron, la loi sur les retraites, le sort des étudiants laissés-pour-compte…
Signe des temps, l’ambiance bon enfant contrastait avec les discours haineux et les appels à la violence circulant sur les réseaux sociaux. « Mettez le feu aux barricades car c’est plus compliqué à débloquer (…) pour entretenir les flammes jetez un vélo électrique », pouvait-on ainsi lire. « Crevez les pneus des forces de l’ordre », écrivait un manifestant quand d’autres disaient avoir préparé des bouteilles remplies d’excréments à l’attention des fonctionnaires de police… Nelly, retraitée et ancienne secrétaire de mairie dans la région toulousaine exprimait son inquiétude : « J’ai vu quelques black blocs en début de cortège mais il ne faut pas qu’il y ait de débordements car cela va desservir le mouvement ».
Les casseurs sont intervenus sporadiquement au cours du défilé. Les forces de l’ordre sont intervenues pour empêcher des dégradations contre un commerce boulevard Voltaire puis contre un fast-food et contre une banque. En fin d’après-midi, policiers et gendarmes bloquaient les axes menant à la place de la Nation pour « nasser » les manifestants violents. En début de soirée, au moins 31 interpellations avaient été effectuées.