Alger rejette la liste de ressortissants expulsables de France, Retailleau promet une riposte

Nouvel épisode dans la crise entre Alger et Paris. L'Algérie a opposé, lundi 17 mars, une fin de non-recevoir à la liste d'Algériens expulsables fournie par Paris ces derniers jours, réitérant son "rejet catégorique des menaces, velléités d'intimidation, injonctions et ultimatums" venant de France.

"Les autorités algériennes ont décidé de ne pas donner suite à la liste soumise par les autorités françaises" et les ont "invitées à suivre le canal d'usage, en l'occurrence celui établi entre les préfectures et les consulats", selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

La France a établi une première liste d'une soixantaine de noms d'Algériens à expulser, qui a été remise, vendredi 14 mars, au chargé d'affaires de l'ambassade d'Algérie en France, selon cette source.

En rejetant cette liste, l'Algérie a dit n'être "animée que par le souci de s'acquitter de son devoir de protection consulaire à l'égard de ses ressortissants", selon le communiqué. Il est important, pour Alger, de "veiller au respect des droits des personnes faisant l'objet de mesures d'éloignement".

"Sur la forme", Alger a estimé que Paris "ne pouvait pas unilatéralement et à sa seule discrétion remettre en cause le canal traditionnel de traitement des dossiers d'éloignement", celui qui relie chaque préfecture française au consulat algérien de sa zone. "Sur le fond", l'Algérie a rappelé l'existence d'accords bilatéraux de 1974 et 1994 qui restent "le cadre de référence principal en matière consulaire entre les deux pays".

La question du Sahara occidental

En annonçant la remise prochaine d'une liste d'Algériens expulsables vendredi dernier, le ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau, avait évoqué des "profils de type 'troubles à l'ordre public', sortant de prison ou avec des profils dangereux".

Les relations entre la France et l'Algérie ne cessent de se dégrader depuis la reconnaissance en juillet dernier par le président Emmanuel Macron d'un plan d'autonomie sous souveraineté marocaine proposé par Rabat pour le Sahara occidental, territoire au statut non défini selon l'ONU.

Le refus de l'Algérie d'accepter plusieurs ressortissants sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), dont l'auteur d'un attentat qui a fait un mort à Mulhouse le 22 février, a aggravé la situation.

Bruno Retailleau multiplie les déclarations virulentes contre Alger, notamment depuis l'incarcération mi-novembre de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, poursuivi pour des déclarations faites en France à un média réputé d'extrême droite et considérées comme portant atteinte à l'intégrité du territoire algérien.

Promesse d'une "réponse graduée"

Après le rejet de la liste d'Algériens à expulser, Bruno Retailleau a promis lundi soir une "réponse graduée", en disant "regretter que l'Algérie refuse d'appliquer le droit international".

Fin février, le Premier ministre François Bayrou avait menacé de "dénoncer" l'accord de 1968 qui donne un statut particulier aux Algériens en France, l'ancienne puissance coloniale, en matière de circulation, de séjour et d'emploi, si, dans un délai de six semaines, l'Algérie ne reprenait pas ses ressortissants en situation irrégulière.

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Toutefois, début mars, le président français Emmanuel Macron avait paru vouloir jouer la carte de l'apaisement en se disant "favorable, non pas à dénoncer, mais à renégocier" cet accord.

Le chef de l'État français avait rappelé que ce traité relevait de la seule prérogative présidentielle et qu'il avait "acté" en 2022, avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, "sa modernisation".

"Il ne faut pas que (les relations entre Alger et Paris) fassent l'objet de jeux politiques", avait déclaré Emmanuel Macron à Porto (au Portugal), alors que la droite et l'extrême droite françaises s'étaient emparées du sujet porté par Bruno Retailleau, candidat à la présidence du parti Les Républicains (LR, droite).

Réagissant elle aussi au refus algérien, la cheffe de file du Rassemblement national (RN, extrême-droite), Marine Le Pen, a estimé que "l'heure n'est plus aux déclarations d'intention" et a demandé un "gel des visas et des transferts de fonds privés", la "fin de l'aide publique au développement", et la "dénonciation des accords de 1968".

Abdelmadjid Tebboune avait regretté début février un "climat délétère" entre l'Algérie et la France, appelant Emmanuel Macron à "faire entendre sa voix" pour favoriser une reprise du dialogue bilatéral.

Avec AFP