David Lisnard : « Le pire serait d’être les cautions d’un budget socialiste et dépensier »

Le Figaro . - Après avoir animé une réunion publique de Nouvelle Énergie dans le Morbihan comment sentez-vous le pays au moment où Sébastien Lecornu retrouve Matignon ?

David Lisnard .- Je constate ce que je ressens moi-même. Une profonde exaspération. Un sentiment de gâchis du pays et aussi une volonté chez de nombreux citoyens de trouver une solution. Mais les gens sont atterrés. Plus Emmanuel Macron est rejeté plus il impose le macronisme. Tout ce qui se passe est extrêmement grave et insensé. On ne peut pas et on ne doit pas le banaliser car la cocotte-minute est en train de monter en pression.

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Pourquoi avez-vous qualifié le choix d’Emmanuel Macron de dangereux alors que certains membres de votre famille politique ont applaudi sa décision ?

Car sa décision apparaît comme un déni de démocratie et une obstination incompréhensible. Il y a eu une défaite aux législatives, la réalité parlementaire est qu’il n’a plus le pouvoir mais il persiste à nommer Sébastien Lecornu. Le pays se retrouve donc bloqué dans la spirale de l’échec et du délitement. Et la seule façon de sortir de la crise sera de passer par l’élection, et d’abord la présidentielle. Je me réjouis que nous soyons de plus en plus à le dire. S’il décidait une démission différée, cela enlèverait de la pression et offrirait une perspective. Ensuite, le nouveau président élu pourra dissoudre l’Assemblée, qui est condamnée aujourd’hui à reproduire la fragmentation du pays et à amplifier la crise.

Les réponses de la droite vous semblent-elles à la hauteur de cette période d’incertitude politique ?

Quand les circonstances s’emballent, il faut être très solide et faire preuve de constance. C’est-à-dire tenir sur nos principes et nos convictions quelles que soient les tempêtes. C’est absolument nécessaire. L’enjeu n’est ni l’avenir des LR ni celui de la droite mais la capacité à porter un projet de redressement national fort, puissant et raisonnable, sans laisser le monopole de l’alternative à la gauche gouvernée par l’extrême gauche ou au RN. Et sans se fourvoyer dans l’échec de ce que nous avons toujours combattu. Avec Nouvelle Énergie, je vais proposer une initiative à toutes les forces de droite, d’Horizons à l’UDR : entre cinq et dix grandes mesures prioritaires sur lesquelles nous pourrions nous mettre d’accord pour redresser le pays. Retraites par capitalisation, forte baisse des dépenses, référendum pour couper le robinet de l’immigration, grande loi justice et sécurité, réforme complète de l’État et redressement de l’école. Il est temps d’écrire le scénario avant le casting.

Allez-vous quitter oui ou non Les Républicains ?

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J’avais indiqué depuis des mois qu’il ne fallait plus rester au gouvernement. Il n’y a pas de choix à faire entre participation et chaos car le chaos est déjà là. Soit on appartient à un gouvernement dont on ignore les objectifs, en sachant qu’il sera tenu par des engagements destructeurs auprès du parti socialiste, soit on reste à l’Assemblée pour voter des textes qui nous paraissent positifs, contrer ceux qui nous semblent négatifs et préparer le projet dont la France a besoin. Je suis toujours dans le même état d’esprit en notant aujourd’hui que la position de Bruno Retailleau, actée en bureau politique samedi, va dans le sens que j’indique mais compte tenu des soubresauts internes. Il est évident que si LR en venait à rejoindre ou soutenir un gouvernement prêt à cautionner des mesures de dégradation des comptes publics, notamment sur les retraites, je ne resterais pas. Il est essentiel d’être en phase avec ce que l’on pense et ce que l’on est. Il me serait impossible de faire des concessions à ce que je combats. C’est une question de cohérence et d’intégrité.

Mais si certains élus LR rejoignaient le gouvernement Lecornu 2, en contradiction avec la décision du parti, comment Bruno Retailleau devrait-il réagir ?

Je suppose que ces élus se mettraient eux-mêmes en marge des Républicains. Mais l’enjeu est bien au-dessus de ces questions. Céder aux facilités immédiates serait faire disparaître notre ambition de représenter un espoir pour le pays et d’animer un pôle fort. Je ne veux pas me résigner à ce que la droite et l’espoir d’une alternative forte soient emportés dans les derniers soubresauts du macronisme. La voie à suivre doit être celle de l’indépendance d’une droite réaliste. Le pire serait d’être les cautions d’un budget socialiste et dépensier, capable de remettre en cause la seule réforme de ce quinquennat catastrophique. Participer à ce gouvernement serait une erreur stratégique et un renoncement.

Laurent Wauquiez joue-t-il la carte des députés contre les sénateurs, comme certains le prétendent ?

Il faut lui poser la question.

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Existe-t-il un risque de crise sévère chez LR ?

Oui, il y a un risque.

Pour quelles raisons condamnez-vous l’acceptation de certaines concessions, comme le principe d’une suspension de la réforme des retraites, parfois défendue à droite au nom de l’extrême urgence budgétaire et de la responsabilité ?

Il serait paradoxal de mener la politique de la gauche pour éviter qu’elle n’arrive au pouvoir ! On y perdrait en clarté politique et l’on ajouterait au désordre d’une situation pathétique, en créant, de surcroît, une instabilité financière, économique et sociale. N’oublions pas que tout part des erreurs fondamentales du président de la République. Il dissout de façon incompréhensible pour éviter une censure et une dissolution six mois après. C’est gribouille qui se jette dans la Seine parce qu’il pleut ! Après les diagnostics de Michel Barnier et de François Bayrou sur la dégradation vertigineuse des comptes de l’État, nous devrions accepter d’accentuer ce problème pour ne pas créer une instabilité politique ? Mais nous serions dans une absurdité totale et la seule sortie est l’arbitrage du peuple. La première instabilité c’est Emmanuel Macron. La France a connu des présidents de la République très impopulaires mais personne ne demandait leur démission parce que le pays n’était pas bloqué. La situation nouvelle c’est le blocage. À vouloir s’obstiner à croire qu’il possible de gouverner quand le pays n’est plus gouvernable, on risque d’avoir non seulement un budget catastrophique et contraire à nos convictions, mais aussi une dissolution dans la foulée.

Lorsque vous dénoncez les socio-étatistes du spectre politique, pensez-vous aussi au parti LR ?

Oui. On l’a vu clairement lorsqu’il y a eu cette hystérie autour de la taxe Zucman, organisée par la gauche pour détourner l’opinion des baisses de dépenses pourtant nécessaires. Cela a été un révélateur de la fragilité doctrinale des LR mais aussi de certains réflexes sociaux étatistes et collectivistes de prélèvements supplémentaires. C’est vrai de la gauche au RN.

Que pensez-vous de l’indignation de la gauche face à ce qu’elle considère comme une fusion entre la droite et l’extrême droite dimanche à l’occasion de l’élection législative partielle du Tarn-et-Garonne pour laquelle Bruno Retailleau appelle à battre la candidate socialiste ?

C’est la vieille martingale de la gauche qui lui a permis de gagner parfois sans trop d’efforts. Mais aujourd’hui, elle est obsolète. Les injonctions morales ne marchent plus. Souvenons-nous que la gauche récemment s’est alliée avec des néofascistes que l’on trouve à l’extrême gauche.

Si le premier ministre s’engage à bâtir un nouveau gouvernement incarnant le « renouvellement et la diversité des compétences », n’est-ce pas de nature à recréer de la confiance ?

Je n’ai jamais été dupe de la novlangue macronienne. Ce gouvernement de diversité et de compétences après la plateforme d’action et de stabilité résonne comme une obscure clarté, car quoi qu’il arrive, il dépendra du parti socialiste qui veut l’abrogation de la réforme des retraites !

Combien de temps le gouvernement Lecornu 2 tiendra-t-il ?

Il tiendra seulement le temps que la gauche voudra qu’il tienne. J’ai le plus profond respect pour les moines-soldats mais, au fil de l’histoire, ils n’ont pas toujours gagné la bataille du temps.