Canada : les raisons de la potentielle démission de Justin Trudeau

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Après presque dix années passées à la tête du Canada, l’ère Justin Trudeau touche à sa fin. Le premier ministre pourrait démissionner cette semaine, selon les informations du quotidien The Globe and Mail . Le chef d’État canadien aurait indiqué vouloir quitter la présidence de son parti, le Parti libéral, avant une réunion cruciale prévue mercredi 8 janvier. Lundi après-midi, le dirigeant a annoncé la tenue d’une allocution à 16h45.

Une telle annonce interviendrait moins de dix mois avant les prochaines élections législatives - qui se tiendront en octobre - et alors que Justin Trudeau avait manifesté son intention de se représenter. Mais la hausse de son impopularité au sein de son parti ainsi que chez les Canadiens, et une potentielle crise économique avec les États-Unis de Donald Trump l’ont poussé à repenser sa place dans la politique de son pays. Le Figaro fait le point sur les raisons de sa potentielle démission.

Grave crise politique au sein de son parti

Cela fait plusieurs mois qu’une grave crise secoue le Parti libéral au pouvoir qui enchaîne les revers politiques. Depuis l’été dernier, neuf ministres ont quitté le gouvernement ou ont annoncé ne pas vouloir se présenter aux prochaines élections fédérales. Le premier ministre a notamment perdu le soutien de son principal allié de gauche, Jagmeet Singh, mettant fin à une alliance conclue il y a trois ans. En quittant le navire, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) n’a pas mâché ses mots contre ses anciens collègues : «Les libéraux sont trop faibles, trop égoïstes et trop proches des ultrariches pour se battre pour les gens.»

Le gouvernement de Justin Trudeau a survécu de justesse à une série de votes de défiance initiée par l’opposition conservatrice qui gagne en popularité dans les sondages. En parallèle, les détracteurs du chef d’État ont appelé à sa démission.

Mais le coup de tonnerre s’est abattu le 16 décembre avec la démission surprise de la vice-première ministre et poids lourd du gouvernement, Chrystia Freeland, qui a un peu plus fragilisé Justin Trudeau. La ministre des Finances s’est justifiée en avançant un désaccord au sujet des menaces de Donald Trump d’imposer des droits de douane de 25% sur tous les produits canadiens. «Aujourd’hui notre pays est confronté à un grand défi. La nouvelle administration américaine poursuit une politique de nationalisme économique agressive[...] Nous devons prendre cette menace au sérieux», a-t-elle expliqué dans une lettre publiée du X. Car le retour du milliardaire américain à la tête des États-Unis signe le début d’une crise économique pour le Canada.

Risque de crise économique avec les États-Unis

À peine élu, Donald Trump a menacé Ottawa de rétorsions économiques, la principale étant cette hausse de tarifs douaniers de 25 %. L’accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM - ex-Aléna) devra être renégocié en 2026, voire cette année. Chrystia Freeland en avait été la négociatrice canadienne en 2017, avec succès. Face aux menaces d’une guerre tarifaire, l’ancienne vice-première ministre avait alerté sur la nécessité de préserver la capacité budgétaire du Canada. Pendant ce temps, Justin Trudeau multipliait les cadeaux fiscaux pour plaire aux électeurs. Le premier ministre s’était toutefois rendu en Floride en novembre pour rencontrer Donald Trump dans sa propriété de Mar-a-Lago afin d’éviter une guerre commerciale.

Mais depuis, Donald Trump, qui prendra ses fonctions de président le 20 janvier, a porté des coups humiliants à Justin Trudeau sur les réseaux sociaux, l’appelant à plusieurs reprises «gouverneur» du Canada. Le futur homme fort des États-Unis ne cesse de parler du Canada comme du 51e État des États-Unis. «De nombreux Canadiens souhaitent que le Canada devienne le 51e État. Ils économiseraient énormément d’impôts et de protection militaire. Je pense que c’est une excellente idée», avait-il par exemple tweeté.

Une popularité en baisse

Longtemps plébiscité pour le charme de sa jeunesse, celui qui est surnommé «Kid Kodak» pour son éternel sourire de bon élève a vu sa cote de popularité s’effondrer. Justin Trudeau est perçu par la population comme responsable de la forte inflation qui frappe le pays tout comme la crise du logement et des services publics. La place de favori dans le cœur des Canadiens est désormais occupée par Pierre Poilièvre, le chef du parti conservateur présenté comme le Donald Trump canadien, qui agrège 45% des intentions de vote lors des prochaines législatives, contre 25% pour Justin Trudeau.

Fort de son nouveau statut, le rival du premier ministre l’a ouvertement critiqué le jugeant incapable de faire face à la hausse du coût de la vie, à la crise du logement et à la criminalité, alors que la dette nationale a doublé. C’est ce même adversaire politique qui est à l’origine de la motion qui a failli faire tomber le gouvernement de Justin Trudeau.

Pour tenter d’enrayer sa dégringolade, le premier ministre était même revenu en octobre dernier sur l’un de ses engagements phares : l’immigration. Celui qui promettait d’accueillir 500.000 immigrés par an, a finalement revu les quotas à la baisse, tablant plutôt sur 395.000 nouveaux arrivants en 2025, puis 380.000 l’année suivante et 365.000 en 2027. Ce rétropédalage s’expliquait par la publication d’un sondage révélant que 60% des Canadiens estimaient qu’il y avait trop d’immigration.

Ce coup de frein dans sa politique migratoire n’a cependant pas suffi à faire gagner des points de popularité, le forçant à n’envisager qu’une solution : la démission. Pour l’heure, l’après Trudeau est encore flou mais le premier ministre actuel pourrait soit rester chef intérimaire de son parti le temps qu’un successeur ne soit trouvé, soit quitter ses fonctions immédiatement.