Lutte contre le sida : entre 770 000 et 2,9 millions de morts possibles d'ici 2030 dans le monde à cause de la baisse de financement international

Entre 770 000 et 2,9 millions de décès liés au VIH chez les enfants et les adultes pourraient survenir d'ici 2030 dans le monde si les baisses de financement, proposées par les cinq principaux donateurs, ne sont pas atténuées, alerte jeudi 27 mars une étude publiée dans la revue The Lancet HIV. Cette étude révèle également qu'entre 4,4 millions et 10,8 millions de nouvelles infections au VIH pourraient se manifester dans la même période, soit une multiplication par 1,3 à 6 des nouvelles infections chez les personnes présentant un risque élevé de contracter le VIH, par rapport à un niveau de financement constant.

Depuis 2015, les donateurs internationaux ont contribué à hauteur d'environ 40% au financement total de la lutte contre le VIH dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI). Leur soutien est donc "crucial aux efforts mondiaux de traitement et de prévention du VIH". Les cinq principaux donateurs sont "les États-Unis (73%), le Royaume-Uni (9%), la France (4%), l'Allemagne (3%) et les Pays-Bas (2%)" qui représentent ensemble "plus de 90% du financement international". "Cependant, poursuit l'étude, ces pays ont tous récemment annoncé leur intention de procéder à des coupes sombres dans l'aide étrangère, ce qui devrait entraîner une réduction de 24% du financement international mondial de la lutte contre le VIH d'ici 2026".

L'étude rappelle également que "le gouvernement américain, principal contributeur à l'aide étrangère, a suspendu tout financement de l'aide étrangère (à quelques exceptions près) le 20 janvier dernier afin de permettre un examen et une évaluation de 90 jours".

Habitants d'Afrique subsaharienne

Selon The Lancet HIV, les populations les plus touchées par cette réduction significative du financement international des programmes de prévention et de traitement du VIH "seront probablement celles habitant en Afrique subsaharienne" et celles faisant partie "de groupes marginalisés, déjà plus exposés au risque de contracter le VIH, tels que les consommateurs de drogues injectables, les travailleurs du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, ainsi que les enfants".

Ces baisses de financements "pourraient annuler des décennies de progrès réalisés pour mettre fin au VIH/SIDA en tant que menace pour la santé publique", alerte l'étude. "Les nouvelles infections et les nouveaux décès pourraient revenir à des niveaux jamais vus depuis le début des années 2000".

Un constat également dressé en début de semaine par la cheffe de l'Onusida qui a mis en garde lundi contre une remontée de la "pandémie de sida" dans le monde à long terme sans l'aide financière des États-Unis, dont la "soudaineté" des coupes, a un "impact dévastateur". À "long terme, nous voyons la pandémie de sida ressurgir à l'échelle mondiale, non seulement dans les pays à faible revenu (...) d'Afrique, mais aussi parmi les populations clés en Europe de l'Est et en Amérique latine", et "nous verrons des gens mourir, comme nous l'avons vu dans les années 1990 et 2000", a déclaré Winnie Byanyima, lors d'une conférence de presse à Genève.

Soutenir les programmes de lutte

Pour lutter contre cela, les auteurs de l'étude soutiennent que "la planification stratégique à long terme et la coopération internationale sont essentielles pour établir des systèmes de santé durables et des programmes de traitement et de prévention du VIH dirigés par les pays". Ils appellent donc "la communauté internationale à s’unir pour plaider en faveur d’un soutien continu aux programmes de lutte contre le VIH".

Pour comprendre les conséquences potentielles des réductions du financement de l'aide étrangère, les auteurs ont utilisé un modèle mathématique portant sur 26 pays afin d'estimer les effets des réductions anticipées de l'aide internationale, y compris l'arrêt immédiat du Plan d’urgence du président américain George W. Bush pour la lutte contre le sida (Pepfar), dans tous les pays actuellement dépendants de l'aide étrangère pour soutenir les programmes de diagnostic et de prévention du VIH. Ils ont ensuite extrapolé à l'ensemble des PRFI (pays à revenu faible et intermédiaire), si les réductions de financement se poursuivent comme prévu. Les auteurs soulignent par ailleurs certaines limites importantes à leur étude, "notamment l'imprévisibilité du financement de l'aide étrangère ou encore l'incertitude quant à la poursuite de l'escalade des réductions de l'aide internationale".