Élimination de Hassan Nasrallah : qui pourrait succéder à l’ancien chef du Hezbollah ?

Depuis deux jours, le Hezbollah a perdu son chef emblématique, Hassan Nasrallah, tué dans une frappe israélienne près de Beyrouth. La situation est toujours aussi tendue depuis, avec la poursuite des frappes de l’État hébreu sur le Liban. Le décès de celui qui était considéré comme l'homme le plus puissant du Liban provoque une situation confuse avec des implications sur le Moyen-Orient dans son ensemble. L'actuel numéro deux du mouvement islamiste pro-iranien, Naïm Qassem, assure la transition de l’organisation dans l’attente d’une nomination officielle. 

Si l’assassinat de Hassan Nasrallah est une victoire éclatante pour Israël face à l'Iran et ses alliés, elle est toutefois loin d’être décisive. «Le Hezbollah est solide, beaucoup plus qu'on ne le croit, avance Fabrice Balanche, maître de conférences en géographie à l'Université Lyon-2 et spécialiste du Proche-Orient. Il a des infrastructures au Liban, mais aussi en Syrie avec des bases de repli. Le Hezbollah est un système tentaculaire et c'est trop dur pour Israël de l’éradiquer, car ils ont une trop grosse emprise idéologique sur la société chiite libanaise.» 

Le mouvement islamiste pro-iranien va se mettre à la recherche d’un nouveau chef, alors que Hassan Nasrallah, 64 ans, était à la tête du Hezbollah depuis 1992. Mais la succession ne sera érigée en priorité absolue. «Le nouveau chef deviendra le numéro un sur la ’’hit list’’ d’Israël, explique Didier Leroy*, chercheur à l'école royale militaire de Belgique. Ce n'est pas forcément une position si enviable à l'heure actuelle. La priorité est de circonscrire la brèche sécuritaire et de trouver les traîtres, car la paranoïa est à son comble.» 

Le risque d’une lutte interne pour obtenir le fauteuil de leader est également peu probable. «Ils doivent se serrer les coudes, reprend Didier Leroy. Du point de vue occidental, on cherche des lignes de fracture mais c'est un milieu très cohésif.» Le Conseil de la Choura, plus haute instance du parti, devrait élire prochainement le successeur de Hassan Nasrallah, mais difficile de trouver un homme aussi charismatique, alors qu’il faisait l'objet d'un véritable culte de la personnalité parmi la communauté chiite au Liban malgré sa vie dans la clandestinité et ses rares apparitions publiques. 

«Les noms qui circulent sont beaucoup moins charismatiques que lui, estime Didier Leroy. Ils auront du mal à remplir les chaussures de Nasrallah.» Quatre noms se dégagent ce dimanche : Hachem Safieddine, Naïm Qassem, Mustafa Mughniyeh et Ibrahim al-Amin al-Sayyed.

Hashem Safieddine, le grand favori

Hashem Safieddine pourrait succéder à son cousin Hassan Nasrallah à la tête du Hezbollah. ANWAR AMRO / AFP

Hashem Safieddine est le favori pour succéder à son cousin décédé, Hassan Nasrallah. Chef du conseil exécutif du Hezbollah, qui supervise les activités sociales, politiques et économiques, il possède une influence importante dans le mouvement. Après avoir fait des études de religion à Téhéran, où il a gardé des liens étroits avec les dirigeants iraniens, Hashem Safieddine est aujourd’hui l’un des membres les plus influents du Conseil de la Choura. Son fils est marié à Zeinab, fille du puissant général iranien Qassem Soleimani, tué en 2020 dans une frappe américaine en Irak.

Il porte le turban noir des Sayyed, les descendants du prophète Mahomet, comme son cousin qui était son modèle. «Nasrallah l'a fait grimper petit à petit, détaille Didier Leroy. Safieddine tentait d'avoir la même apparence, jusqu’à imiter la petite mèche de cheveux de Nasrallah. Il aura également le même type de discours que lui s’il venait à remporter cette élection. Il sera aussi totalement aligné sur l'Iran.» Son manque de charisme, en revanche, pourrait être difficile à combler pour s’imposer comme un leader marquant. «Il n'avait pas tiers du quart de l’aura de Nasrallah, assure Didier Leroy.

Contrairement à Hassan Nasrallah, apparu très rarement en public depuis la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, Hashem Safieddine est le visage du parti dans de nombreux évènements politiques et religieux, et s'est récemment fait remarquer pour ses allocutions enflammées lors des funérailles de commandants du parti tués par Israël.

Naim Qassem, le second historique

Naim Qassem est l'actuel secrétaire général provisoire du Hezbollah. - / AFP

Naim Qassem est l'actuel secrétaire général adjoint du Hezbollah, et surtout le bras droit de Nasrallah depuis des décennies. Réputé pour sa cohérence idéologique et ses liens étroits avec l'Iran, il occupe les fonctions provisoires de secrétaire général. «C’est un autre visage très connu qui est ciblé par l’armée israélienne et qui pourrait se faire assassiner, expose Didier Leroy. Il a un parcours religieux, mais a aussi effectué une formation de chimiste. Il est considéré comme l’historien du mouvement, où il a écrit un livre de l’intérieur du mouvement.» 

S’il n’est pas friand de prise de parole en grand public, il a accordé de nombreuses interviews par le passé et a acquis une solide réputation. Il porte toutefois un turban blanc, et dispose de moins de crédit par rapport à Hashem Safieddine.

Mustafa Mughniyeh, fils d’un héros

Mustafa Mughniyeh est le fils du commandant militaire du Hezbollah, Imad Mughniyeh, décédé en 2008. Homme discret, il est un homme clé du mouvement avec ses responsabilités dans les opérations militaires. «C’est une des figures héroïsées, affirme Didier Leroy. Choisir un membre de cette famille dans cette période serait un signal fort à la population.»

Il est toutefois peu probable de le voir en tant que successeur : parmi les conditions à remplir pour prendre la tête du mouvement, il est requis d’être une personnalité religieuse et d’être issu du Conseil de la Choura, qui comprend sept personnes. Mais la situation actuelle est inédite. «Il faut un membre du clergé, comme cela a toujours été le cas, confirme Didier Leroy. Ce serait un choix surprenant et il y a peu de chance, mais avec une telle situation, rien n’est impossible.»

Ibrahim al-Amin al-Sayyed, figure illustre

Ibrahim al-Amin al-Sayyed est considéré comme l’une des figures emblématiques du Hezbollah. Chef du Conseil politique, il a une longue histoire au sein de l'organisation, ayant participé à la rédaction de ses documents fondateurs du mouvement. Il avait signé la «Lettre ouverte aux opprimés dans le monde» en 1985, date officielle de naissance du Hezbollah. «C’est un des dinosaures du mouvement, détaille Didier Leroy. Il est loin d’avoir le charisme de Nasrallah et était dans son ombre.» Son rôle pourrait plutôt être politique ou consultatif dans un premier temps.

*Didier Leroy est l’auteur de «Le Hezbollah libanais. De la révolution iranienne à la guerre syrienne» (L’Harmattan, 2012)