Top 14 : Emmanuel Meafou, le colosse toulousain à la recherche de la puissance perdue

Moins d’impact, moins de dégâts. Emmanuel Meafou, le phénomène du Stade Toulousain qui impressionne autant par son physique de golgoth (2,03 m pour 145 kg) que par ses qualités balle en main, a perdu de sa force de percussion. Le colosse d’origine australienne, devenu international français (9 sélections depuis le Tournoi 2024), a été victime en février d’une infection pulmonaire qui a nécessité une hospitalisation (à cause d’un «trou de cinq centimètres de diamètre», selon sa compagne) et l’a éloigné des terrains trois semaines.

Il ne semble pas avoir retrouvé depuis la pleine mesure de ses mesures. Il a certes disputé 29 matches cette saison avec les Rouge et Noir, mais a été 9 fois remplaçant, comme vendredi dernier lors de la demi-finale remportée par le club haut-garonnais contre Bayonne, et probablement en finale face à l’UBB.

Dans les cinq derniers mètres, il est quasiment impossible à arrêter

Antoine Dupont

À son retour à la compétition, son manager Ugo Mola avait rappelé qu’il est «un joueur évidemment essentiel dans notre dispositif». À l’image de ses matchs titanesques lors de la phase finale de la Champions Cup, où ses charges avaient fait de gros ravages, tout comme sa capacité à assurer la continuité du jeu (quatre passes après contact face au RCT en quarts de finale à Mayol).

«Dans les cinq derniers mètres, il est quasiment impossible à arrêter, l’avait récemment adoubé Antoine Dupont. Et même quand il lui arrive d’être ralenti, il a toujours cette qualité technique pour faire vivre le ballon après lui.» Et l’Anglais Jack Willis de poursuivre : «Les joueurs de ce gabarit se contentent généralement de quelques charges dans un match. Lui peut en faire plus d’une dizaine tout en multipliant les plaquages et les déblayages dans les rucks.»

Ugo Mola est également impressionné. «Il faut quand même la prendre la bête tout au long d’un match ! Des gabarits comme ça, capables de jouer 60-70 minutes et de peser de tout leur poids, leur rugby et leur talent, il n’y en a pas beaucoup.» Citant seulement l’Australien Will Skelton et le néo-international tricolore Posolo Tuilagi. Le technicien toulousain avait également appelé son protégé «à faire des efforts différents, nouveaux. À prendre également conscience du contexte, de ce qu’il représente dans celui du Stade Toulousain mais aussi au niveau international».

Va-t-il se contenter en finale du Top 14 d’un rôle d’impact player, comme vendredi dernier où il avait remplacé Joshua Brennan à la 53e minute ? Lors de ses trois dernières titularisations (UBB en Champions Cup, Racing 92 et Perpignan en Top 14), le Stade Toulousain s’était incliné. Avant la demi-finale continentale contre les Bordelais, Emmanuel Meafou avait pourtant confié : «Mentalement je suis prêt. (...) Je commence à trouver un rythme, on arrive à la fin de saison avec des matchs importants, donc, comme Ugo (Mola) dit souvent, on va pousser la machine...»

Un des points forts de mon jeu, c’est la force. Je ne peux pas le perdre, mais il faut être assez "fit" pour enchaîner les efforts

Emmanuel Meafou

Une «machine» qu’il a fallu découenner et façonner pour les exigences du rugby moderne et athlétique, sachant que le «beau bébé» pesait 160 kg quand il a débarqué dans la Ville Rose à l’hiver 2018. «C’était tout un travail ciblé pour qu’il garde une bonne diététique et un poids correct, avait raconté à Ouest France  Michel Marfaing, le directeur sportif du centre de formation du Stade Toulousain. Quand il partait en week-end, il revenait parfois avec 4-5 kilos en plus, c’était impressionnant. On devait le peser régulièrement. Il a été suivi par un diététicien pour l’aider à faire ses repas et ses courses.»

Au début du dernier Tournoi, l’intéressé avait évoqué, auprès de nos confrères de Sud Ouest, la question de son poids de forme. «Quand je suis trop lourd, après avoir porté le ballon deux fois, je le ressens dans mes jambes : je ne peux plus courir. Il me faut deux ou trois minutes pour récupérer avant l’action suivante. À l’inverse, quand je me sens bien, je me sens capable de taper dans les rucks, recharger les actions, plaquer encore et encore. Quand je suis bien, je n’ai besoin que de trois secondes pour récupérer. Un des points forts de mon jeu, c’est la force. Je ne peux pas le perdre, mais il faut être assez "fit" pour enchaîner les efforts.»

La question est de savoir si son impact moindre lors de ses dernières sorties serait lié à une question de poids. Le natif de Nouvelle-Zélande aux origines samoanes, qui a grandi en Australie, balayait la question en début d’année : «Je peux être mauvais à 140 et faire un très bon match à 150 kg. Le poids ne fait pas toujours la différence. Le poids est un facteur de performance. Mais tu as aussi besoin d’un bon cerveau.»

Meafou reconnaît qu’il a su faire évoluer son jeu et qu’il ne repose plus uniquement sur son physique hors normes. «Quand tu es jeune, tu veux tout faire : toucher le ballon, gratter, plaquer tout le monde... Je pense avoir maintenant un peu plus de maturité pour attendre les bons moments pour me livrer, pour peser sur les adversaires.» Attention au réveil de la bête en finale face à l’UBB ?