Près de Nantes, un village se mobilise pour sauver sa chapelle au style étonnant
L’édifice bariolé dénote drôlement, à côté de la très sage église du village. Assises de granit, portail italien, contreforts romans, arcs néogothiques, pinacles chinois et une pincée de Saint-Sépulcre hiérosolymite : la chapelle funéraire Garreau fait belle impression dans le centre de Remouillé, à une vingtaine de kilomètres au sud de Nantes. Aux habitants de la commune, ce monument du milieu du XIXe siècle suscite autant une joie qu’une souffrance. Une joie, d’abord, parce que peu de bourgades alentour peuvent s’enorgueillir d’un pareil bâtiment, conçu en un tourbillon architectural aussi hétéroclite que romantique. Une souffrance, ensuite, car la structure se meurt.
Fissuré et fragilisé, l’élégant édifice, désormais délabré, pourrait perdre d’ici peu son dôme en ardoise dont la charpente a lentement, mais sûrement, perdu de sa superbe. Le reste de la chapelle laisse autant à désirer. En 2000 puis en 2014, deux expertises ont souligné l’urgente nécessité de procéder à un chantier de restauration du site. Maçonnerie désorganisée, toiture en mauvais état, colonnes fendues, végétation parasite et autres infiltrations harassent le bâtiment. En 2015, quelques travaux d’urgence à 15.000 euros ont permis de parer au plus pressé, notamment en stabilisant la charpente. Dix ans plus tard, le plus gros du chantier reste cependant à faire. Le temps, hélas, n’a pas suspendu son vol. La déliquescence de la chapelle se poursuivant, un arrêté de péril a été pris en 2023, barrant l’accès au site.
«Point de non-retour»
«Nous sommes arrivés à un point de non-retour, indique Ophélie Concy Lair, adjointe municipale chargée de la culture et du patrimoine. La chapelle devient dangereuse. Soit nous ne faisons rien et elle risque d’être rasée, soit nous nous retroussons les manches pour la restaurer». La seconde option figurait en 2020 parmi les engagements phares de campagne du maire de Remouillé, Jérôme Letourneau (DVD). Pour la mener à bien, un ambitieux programme de restauration a été conçu pour sauver le monument. Chiffré à 570.795 euros, le chantier pèse cependant sur le budget de la petite commune.
À défaut d’une aide du département, et en attendant une hypothétique subvention régionale, la commune de Remouillé s’est associée à la Fondation du patrimoine pour organiser un appel aux dons. L’objectif de la collecte a été fixé à 40.000 euros. «Cela peut paraître peut, eu regard au coût total des travaux, mais la Fondation du patrimoine nous a assuré que cet objectif permettrait de ne pas trop intimider nos potentiels donateurs», indique Louis-Marie Muel, en charge du groupe de travail de Remouillé dédié à l’avenir de la chapelle Garreau. L’initiative - qui est par ailleurs à la recherche d’entreprises mécènes - s’achèvera en décembre 2025, avec une mise en chantier prévue pour 2026.
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À plus long terme, la commune de Remouillé espère transformer ce chantier de réhabilitation en point de départ d’une refonte complète du centre-bourg, qui avait également été remanié au XIXe siècle par Jean-Pierre Garreau (1803-1896). Architecte et urbaniste, cet autodidacte a d’abord marqué de sa patte une partie de la ville de Nantes avant d’être nommé maire de Remouillé. À la tête du village, qui compte aujourd’hui plus de 1900 habitants, l’entrepreneur a notamment fait sortir de terre plusieurs «folies» romantiques et orientalisantes, dont le plus beau vestige subsistant se trouve être la chapelle funéraire. «Nous aimerions revaloriser cette figure de l’histoire de notre territoire autour d’un projet global», note Louis-Marie Muel, qui espère, à plus long terme, nouer des partenariats avec les musées nantais.
En attendant, les corps de Jean-Pierre Garreau et de sa famille reposent encore au fond de la chapelle, au milieu des murmures et des souvenirs des anciens du village. «Il se raconte, parmi les enfants qui jouaient autour du monument, au milieu du siècle passé, que l’édifice renfermerait de mystérieux souterrains, peut-être liés aux Templiers », glisse Ophélie Concy Lair. Le blason de Remouillé conserve en effet la croix rouge de l’ordre du Temple, souvenir d’une présence ancienne aujourd’hui disparue. Les légendes locales n’empêcheront pas toutefois la résurrection de la chapelle romantique. La chasse aux fantômes médiévaux attendra.