Projet de ferme-usine de saumons en Gironde : l’autorité environnementale relève plusieurs zones d’ombre
Pure Salmon souhaite créer le plus grand élevage de saumons d'Europe en Gironde, une véritable usine qui soulève de vives interrogations sur sa consommation d'eau réelle et qui pourrait fragiliser l’écosystème de l’estuaire.
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Au Verdon-sur-Mer, une commune de la pointe du Médoc au bord de laquelle se rencontrent l’océan atlantique et l’estuaire de la Gironde, un élevage bien particulier pourrait bientôt voir le jour. Le groupe Pure Salmon, basé à Abu Dhabi, compte y produire 10.000 tonnes de saumon par an, soit environ 5% de la consommation française annuelle. Ce projet gigantesque, loin d’être anodin pour l’environnement, a obtenu un premier feu vert en juin dernier de la commission locale de l’eau. Mais quatre mois plus tard, un avis de l’autorité environnementale liste plusieurs questions restées en suspens.
«L’approvisionnement en eau neuve de la ferme aquacole se fera par l’intermédiaire de six forages privés [...] puisant dans la nappe souterraine plio-quaternaire», détaille l’avis de la mission régionale d’autorité environnementale de Nouvelle-Aquitaine (MRAe) du 7 octobre, faisant état d’une «consommation en eau neuve en phase d’exploitation» de 6500 m³ prélevés par jour dans les nappes. Un prélèvement annuel équivalent à «la consommation en eau potable d’une ville de 43.000 habitants». Paul Miliotis, président du conseil d'administration de la société Pure Salmon France, juge toutefois la comparaison «pas très pertinente», car l’eau pompée dans la nappe phréatique serait selon lui «trop salée» pour être consommée.
Les eaux rejetées dans l’estuaire de la Gironde sont également questionnées par la MRAe, qui «recommande de présenter une quantification de ces rejets, à comparer aux normes réglementaires». Des éléments complémentaires de la part du bureau de recherches géologiques et minières sont «nécessaires pour apprécier l’éventuel impact du projet sur la préservation de la nappe de l’Éocène, qui constitue une ressource pour l’alimentation en eau potable», notamment pour la métropole de Bordeaux. Quant à la solution technique retenue, «partiellement en circuit fermé», celle-ci générerait aussi «une utilisation importante de la ressource en eau», souligne la MRAe, ce qui interroge «sur les risques en cas de fonctionnement dégradé ou accidentel».
«Une aberration écologique et économique»
«On est très satisfaits de l’avis rendu par la MRAe», explique cependant Paul Miliotis. «Ils donnent un avis pour que l’administration puisse se poser les bonnes questions. On travaille sur une réponse précise sur tous les points soulevés, qui sera jointe à l’enquête publique.» Ces derniers mois, quelques nuages sont cependant venus noircir le tableau. En plus de l’opposition farouche des élus écologistes de la région, pour qui ce projet de ferme-usine «démesuré» serait «une aberration écologique, animale et économique», la ville de Royan, face au Verdon, a voté le mois dernier contre la modification du plan local d’urbanisme (PLU) qui permettrait l’installation de cette usine.
«Ce sont des gens qui ont une station balnéaire et qui envisagent le pire, mais ils devraient s’estimer heureux d’avoir une ferme aquacole qui vient s’installer pour redynamiser cette partie du Médoc qui est une région enclavée», juge Paul Miliotis. Face aux éventuelles pollutions de l’estuaire, le président du conseil d’administration de Pure Salmon France soutient que «la qualité de l’eau que nous rejetterons sera meilleure que celle que nous pomperons». Malgré ce vote qu’il refuse de voir comme «une épine dans le pied», Paul Miliotis explique avoir des «discussions constructives» avec tous les élus. Une enquête publique devrait maintenant être organisée en 2025, avec un éventuel début des travaux à partir de 2026 et une production dès 2029.