"À 2 000 mètres d'Andriivka" : un documentaire montre la réalité brute de la guerre en Ukraine

La première séquence donne le ton dès les premières secondes : un soldat ukrainien dans une tranchée, cigarette à la bouche. Le ciel est lourd, gris, un paysage de désolation... et le chaos : des obus de mortier ou des tirs de drones, on ne sait pas trop, un blindé qui arrive et puis la mort de l'homme à la cigarette, en direct et presque sans bruit. La guerre brute, sans filtre.

Le réalisateur n'est autre que Mstyslav Chernov, journaliste pour Associated Press. Il a remporté l'an dernier l'Oscar du documentaire pour Vingt jours à Marioupol, et représentera de nouveau l'Ukraine aux Oscars cette année, avec ce nouveau film qui raconte l'histoire de la reprise d'un petit village, Andriivka, près de Bakhmout.

On y suit la mission-suicide d'une unité ukrainienne qui part à l'assaut de cette bourgade, qui comptait avant la guerre 2 000 habitants. Mais pour y arriver, l'unité doit passer par une bande de forêt d'une vingtaine de mètres de largeur sur 2 000 mètres de longueur, entourée par deux champs de mines.

Les images de caméras embarquées par les soldats se mêlent aux images tournées par le documentariste, la chronologie est floue, les explosions pas claires : d'où viennent-elles ? Qui touchent-elles ? Les hommes meurent en moins de temps qu'il ne faut pour le filmer. Ici un soldat ukrainien, à quelques mètres un soldat russe... Certains se parlent, d'une tranchée à l'autre, "Rends-toi et tu vivras !" La guerre ultratechnologique semble bien loin.

De tels sacrifices, pour quoi faire ?

Tourné il y a deux ans, ce film anticipe les difficultés ukrainiennes d'aujourd'hui, et c'est évidemment sa force. La contre-offensive de 2023 fut un échec, le documentaire le montre. On y voit des batailles acharnées, coûteuses humainement, des soldats courageux mais qui se demandent parfois le sens de tous ces sacrifices, comme il y a quelques jours à Pokrovsk.

Ce que nous montre aussi ce documentaire, c'est la guerre d'images qui se joue sur le front : chaque jour on entend parler d'un village repris par les troupes russes. Mais dans le film c'est l'inverse : ce sont les Ukrainiens qui gagnent un peu de terrain, juste le temps d'une photo... Et pour quoi faire ? "Nous avons libéré un village qui n'existe plus", conclut le cinéaste.